lundi 27 mai 2013

Paper Cut


La page blanche. Rien à dire, rien à écrire depuis bientôt un mois. Rien ne m'amuse et je suis sans muse. Je gobe ma capsule d'oméga 3. Moi qui déteste le poisson car ça a beau être des gellules, calisse, ça se défait rendu dans les tuyaux et je te rote ça... C'est pas mêlant, j'ai une haleine de chat! Le printemps a tôt fait de fourbir en feuilles tous mes arbres ce qui fait que je peux au moins vivre ma déchéance créatrice en toute intimité.

Bon, ça jappe! Je vais voir ce qui se passe en avant. C'est encore Ali, qui s'insurge contre la gente piétonnière. Oh! Celle-là, ma foi... elle est nouvelle. Elle marche, l'air pressée avec sa belle robe à pois et ses escarpins rouge... on dirait Rita Toulouse dans Les Plouffe. Elle tient contre elle un porte-documents. Il est usé et ne semble plus fermer depuis un moment. En sortent des bouts de papiers qui traduisent une frivolité et une insouciance évidente chez cette jeune femme. J'ai le fixe et soudainement, elle se retourne et croise mon regard voyeur dans la fenêtre... merde! BANG! Son inattention lui vaut de se faire percuter par un Yo en skateboard.

Tout vole dans les airs, de la planche à roulettes à ses lunettes (c'est sexy des lunettes), en passant par une tempête de flocons format 8 et demi par 11! Je ne fais ni un ni deux et vole à son secours. « Vous allez bien? » lui dis-je en remarquant un parfait mollet dont le bas nylon s'est effiloché. - « Oui, oui » me dit-elle, totalement contrariée et littéralement obsédée par tous ces papiers éparpillés, son véritable trésor devrais-je dire. Je comprends son non verbal et m'affaire à tout ramasser rapidement à ses côtés.

Des textes annotés et raturés en violet. Quelle drôle de couleur. Je l'entends soupirer de satisfaction... pourtant, je ne l'ai pas dans mes bras?!? « Ah Nunuche! Qu'aurais-je fait sans toi? » J'ai rarement vu quelqu'un parler à sa plume mais comme dirait un assimilé Facebook : Check! « Merci! me dit-elle timidement en prenant ses jambes - ce qu'elles sont belles! - à son cou. Elle a un accent français. Pendant ce temps-là, l'imbécile de Yo filme le tout sur son IPhone, incluant le sang qui s'écoule de son coude... et je l'entends grogner - « Hein man! c'est chill... je sâgne genre full! »

Une autre rencontre où une beauté n'aura fait que passer... je retourne dans mon incertitude et mon insécurité... Ça fait trois messages que mon éditeur me laisse... - « Pis mon Dan? T'es rendu où? Toujours prêt à me livrer ton manuscrit le mois prochain? » Mon royaume pour une muse pis ça presse en crisse. Je rentre chez moi et le reflet du soleil illumine un petit rectangle blanc au sol. C'est une carte d'affaires... Annette La Feuye, correctrice... et d'une beauté... bon! Calmons nous! Je m'installe à mon bureau en contemplant la relique de cette inopinée collision interstellaire. Me v'là qui fantasme... C'est drôle être un artiste qui s'assume car quand tu te connais, tu te contentes de regarder les bateaux passer et de pas embarquer dedans systématiquement. Ah mais ça serait le fun pareil... tsé, genre... Je pars tu à sa recherche? Non...

Bon... ça doit ben faire une heure que je la google pis j'ai pas trouvé grand chose, si ce n'est une photo d'une réception au consulat de France. Pis le crisse de web! T'essaye de zoomer pis la photo est dégueu. Mon cerveau est obligé de faire le reste face à cette éventuelle beauté pixellisée. J'entends de l'accordéon musette et goûte le vin rouge assis à un bistro... la voilà qui arrive à vélo, tsé, le vélo avec le petit panier en avant! J'arrive pour lui parler... incapable! Je suis Marcel Marceau. J'ai beau lui mimer tout mon amour, osti, elle me prend pour un amuseur public et tombe dans les bras d'un pédant à l'écharpe violette et au toupet à la Tintin. Tabarnak, même dans mes fantasmes, je l'ai plus. Faut que je décrisse! Je vais aller écrire en ville!

J'arrive au Pub Galway. Je veux boire de la Newcastle pis y'a des coins sombres là-bas où je serai à l'abri pour créer. J'entre et je vois une table inondée de papiers biffés à l'encre...violacée! ah ben calvaire! Y'a personne d'assis. Je fais quoi? Je m'en vais? Je l'aborde? Je m'asseois où? Pas le temps de réagir qu'elle me croise lunatiquement en me dévisageant à peine. Yves le proprio est là... zut!

- « Bon l'artiste à Moisan! On te voit plus, le gratteux de guitare? T'es venu rejoindre la nouvelle martienne? » en pointant la beauté rare du doigt. Là, on a toute son attention. Elle soupire en regardant ces immatures que sont les hommes que nous sommes. Elle me dévisage et me reconnaît.
- « Drôle de hasard! Et dire que j'aurais pu vous remercier convenablement mais j'étais attendue. Vous venez souvent ici? » En me disant ça, elle enlève sensuellement ses lunettes et me voilà reparti!

Je pense à ça, j'ai jamais fait ça avec une française. Une correctrice en plus. Je peux pas lui dire genre « J'va venir » ou ben « t'es tu venue? ». Mais « j'vais jouir » ou « Tu la sens bien là? » ça fait un peu 37,2 le matin. Fais le mime Dan pis respire fort à place...

« Et... vous faites quoi dans la vie? »
- « Moi, heuuu... bien, je suis t'auteur » Ah calisse, j'ai fait une mauvaise liaison!
« heu, oui, je veux dire tôt ou tard, vous me l'auriez demandé. Donc je suis Daniel L. Moisan, auteur et musicien. Et vous? »
- « Moi je suis correctrice » Quel sourire! Et quel body racing!« Je m'appelle... »
- « Annette La Feuye, je vous ramène votre carte... » lui dis-je avec l'assurance d'un James Bond. Son regard la trahit et elle craque. Elle reprend rapidement et maladroitement sa carte entre mes doigts... AYOYE!!!!!
Osti! Vous savez, la tite peau entre les doigts? C'est coupé pis ça saigne pas à peu près! Je m'éponge du mieux que je peux tout en essayant de rester zen. Elle me regarde et devient livide. BANG! Elle tombe dans les pommes... Là, toute la gang de piliers de bars avinés semblent prêts à lui donner le bouche à bouche mais c'est moi le plus près. Je prends ma veste et en fait un oreiller. Je lui parle tout bas et : 1. à sent bon en crisse et 2. j'ai vraiment envie de l'embrasser. Je lui flatte le front à la place et lui dit que tout va bien jusqu'à l'arrivée des ambulanciers à qui je dis de faire très attention à ses trésors remplis de biffes aux traits délicats... Elle ouvre les yeux et me regarde, une larme glissant sur sa joue. On dirait qu'elle me dit adieu.

Ça fait maintenant 2 mois qu'Annette et moi parlons sur le web. Non, elle vit toujours à Québec. Elle ne peut me voir. Le choc post-traumatique associé à sa peur du sang fait qu'elle s'évanouit dès qu'elle m'aperçoit. C'était pour ça l'encre violacée... elle ne peut tolérer le rouge en version liquide. On s'entend bien par contre mais on se parle moins depuis qu'elle a rencontré un certain... Tristan, jeune français d'adoption, foutu métrosexuel au toupet de Tintin et à l'écharpe mauve... crisse!

« Mime » de rien, toujours rien dans mes pages... Osti le téléphone! C'est mon éditeur!!!!!!


À plus!

Le Chien Perdu

samedi 9 mars 2013

Rideau


Je suis sur la route... Peu importe le chemin que je prends, c'est écrit « cul de sac ». C'est un labyrinthe de bitume meublé de péripatéticiennes aguichantes à chaque coin de rue essayant de m'arrêter. Non, je continue ma quête! Quel étrange rêve! J'entends la voix de ma mère... Elle prie pour moi. Elle est triste de me savoir sans femme. Je crois qu'elle a peur que je ne puisse passer à travers ma vie seul. Je tourne un coin et voilà tous mes chums de gars qui me font signe d'arrêter de chercher. Ils ont tous une corde autour du cou et me supplient de faire demi-tour. Je les ignore aussi. J'aperçois des lumières arrivant en sens inverse, je ne contrôle plus le véhicule... tout s'accélère et... BANG! Plus rien.

Je me réveille en sursaut. Il fait beau et la maison est toujours aussi écho. Heureusement que j'ai mes bestioles. Un psy m'a déjà dit que dans la vie, les problèmes se manifestent quand nous omettons d'accepter notre sort ou d'agir pour le changer. Je suis en plein dedans. Ma peur de fréquenter et d'aimer est maintenant rendue aussi grande que celle de vivre seul. Je fais preuve d'un immobilisme total, je n'ai plus confiance et en lisant un article ce matin sur un jeune prêtre de 39 ans, je me dis que ma mission en ce bas monde est peut être autre que celle d'avoir une conjointe et une vie amoureuse normale... Ça pas d'allure! Moi, curé? Missionnaire? Moine?

Je suis toujours incroyablement impressionné par ma capacité d'apitoiement et d'auto-dramatisation de mon cas. On croirait Jérémie dans Lippy le Lion. Ah misère, Oh malheur!!! HAHAHAHA!

Je prends mes courriels... Hein? Wendy Carson!!! Tabarnak! Que de souvenirs sur cette blonde aux accents irlandais de Windsor en Ontario venue étudier le français à Québec en 1990. Un des mes anciens amis de Cégep me l'avait présentée lors d'un 5 à 7 au d'Auteuil et on avait jasé. En fait, elle était la chaperonne de la fille qu'il avait envie de baiser. Tombant sur moi par hasard et célibataire par-dessus le marché, j'étais une véritable aubaine. Dan Moisan, l'universitaire militant et elle, pionnière environnementaliste... Elle m'avait dit « I would love to work with the helpless in Africa », à quoi j'avais répondu - « Me too ». On s'était regardés et on s'est frenchés right on the spot! De loin, mon meilleur french à vie! D'ailleurs, à chaque fois que je voyais les carrés rouge manifester l'an passé, je pensais à Wendy. Combien de jeunes couples se sont formés dans la tourmente des manifestations, sublimant l'amour des âmes, de la chair et de la cause en un baiser si fort qu'il résisterait à l'adversité, au temps et aux matraques.

La soirée avait pas été facile avec Wendy. Pendant que l'autre s'envoyait en l'air à qui mieux mieux dans la chambre à côté, moi j'étais couché sur le plancher du boudoir avec cette idéaliste qui, je crois, pensait encore que les grarçons naissaient dans des feuilles de chou et les filles dans des pétales de rose... Elle était aussi pure que nulle au lit... Une pureté inégalable! Elle avait envie de me connaître et moi, à 20 ans, envie de me reproduire. Je commençais à être un amant potable, tout juste potable mais un amoureux pitoyable. Nous étions donc le yin et le yang, la belle et le bête. Son regard était si beau! Des yeux verts Dublinois et ses joues avec de minuscules taches de rousseurs, comme si un farfadet lui avait saupoudré de la cannelle en se servant du vent.

Avec tout ça, j'était dur comme le Gibraltar et elle molle et effrayée telle une gazelle rendant les armes sous les crocs d'un tigre affamé. Devant ce dépit, je fis marche arrière et lui dit - « It's alright... So let's talk » Je pense qu'elle était vierge car un condamné à mort que l'on gracie sur le bûcher, n'aurait même pas affiché cet air de soulagement.

C'était drôle car lorsque nos deux comparses sont sortis de la chambre avec une suffisance bien méritée, Wendy a fait son affranchie, de crainte que sa copine ne la prenne pour une nonne. Elle m'a regardé du coin de l'oeil et j'ai joué le jeu! Ma première et seule baise fantôme à ce jour. Et la pucelle devait retourner dans son patelin le surlendemain... je vais toujours me rappeler de cet instant aussi troublant que triste, les deux faux amants, devant le taxi qui s'impatientait. -« If I give you my number, will you call me? » et moi de répondre -  « No » - « Is it just because I did not sleep with you? » Le chien sale que je suis répondit - « No ». Fin de l'histoire. Le pire, c'est que le crétin que j'étais aurait probablement répondu la même chose après l'avoir baisée... La vie a réservé son corps à mieux, je l'espère.

Donc 23 ans plus tard, veux tu ben me dire kossé qu'à veut?

En gros, elle m'écrit qu'elle m'a reconnu dans un article d'un journal de Toronto sur mon groupe. Elle m'a googlé et m'a ainsi retrouvé. - « I will be in Quebec City tomorrow for a congress on the climatic changes. Would be cool to share a pint or two;-) » Ben oui! Wendy est devenue avocate et se bat contre les multinationales qui empoisonnent notre environnement. D'un coup elle m'en assène tout un. Où sont rendus mes rêves de justice quand la seule rectitude que je recherche, c'est celle d'avoir une guitare accordée en show? Ben... je fais la vaisselle aussi... Osti! Crisse que chu nul! Anyway, fais toi en pas Dan. Elle a probablement l'air d'une militante du Parti Vert. À doit être grosse, à doit pas se raser pis, végétarienne – car ça doit d'ailleurs être les seules graines qu'à doit manger - à doit puer de la gueule comme le calisse.

- « Why not? » lui dis-je. Toute excitée, elle me donne rendez-vous au Pub Galway, Irlande oblige.

Je sais pas pourquoi, je suis un peu nerveux. 23 ans se sont écoulés et j'ai encore l'impression qu'elle m'en veut... en tout cas, moi je m'en veux encore. J'entre et... Tabarnak!!!! Calisse!!!! Asti d'crisse!!!! As tu vu la chick? Elle a pas changé d'un poil et du poil, elle ne semble pas en avoir trop;-) Elle a l'air de tsé, l'énervante de torontoise au téléjournal qui est panneliste avec Frula pis les gogauche là? Malgré son air suffisant, la Taisha (je pense que c'est son nom) a un degré de fuckabilité assez élevé. J'ai donc la version Irish devant moi et ses yeux n'ont pas changé d'un iota.

On s'embrasse sur les joues et elle est aussi incrédule que moi. Un retour dans le passé difficile mais combien touchant. On s'étreint je la regarde et lui dit - «  Wendy, what an asshole I was... I don't know if it will worth something but I apologize sincerely » - « No problem Dan, I sincerely apologize to you for not having sex at all with a wonderful young man » Ah ben calvaire! À s'excuse de pas avoir baisé? Ça parle au y'âbe!!!

On se conte nos vies, c'est vraiment trippant. J'ai 20 ans encore et je suis privilégié. Elle a finalement, contrairement à moi, été faire sa missionnaire en Afrique... 3 jours. Elle est rentrée en catastrophe après s'être tout fait voler et s'être retrouvé dans un bureau au parlement congolais avec le ministre des affaires intérieures, à poil lui faisant des avances... Elle s'est dit qu'à la maison, bien des problèmes pouvaient se régler et qu'elle se trouverait sûrement plus utile en vie ici que morte dans un caniveau de Kinshasa.

Je lui ai raconté ma carrière de fou. Elle a ri. Je lui ai raconté ma vie amoureuse de fou. Elle a encore ri. Elle m'a parlé de sa vie amoureuse et là, elle ne riait plus. - « Dan, y'a une raison pour laquelle je voulais te voir. C'est à cause de mon psy. J'ai un blocage. Un blocage d'ordre sexuel. Je ne peux garder un homme dans ma vie. Je ne peux jouir » Ah ben viarge! « Et sous hypnose l'autre jour, je n'arrêtais pas de dire Daniel! Daniel! T'es le seul Daniel que j 'ai connu. Après avoir raconté notre histoire à mon psy, il m'a dit que je devais revisiter cet instant avec toi mais le refaire correctement... m'abandonner à toi» Bon... J'en reviens pas, je trouve ça débile et complètement farfelu mais j'ai quand même un début d'érection.

En grand penseur, j'acquiesse en me disant que ça va sûrement déboguer un de mes 36 349 nœuds psychologiques.

Elle m'emmène à son hôtel... j'men va la baiser... j'y offre tu de payer la moitié de la chambre? En tout cas, les verts, y'ont pas juste le gazon, y'ont les billets aussi!!!! Hilton calisse! J'espère qu'elle aime ça par en arrière dans la fenêtre... la vue est superbe! Pis me semble que baiser pendant que les soldats du 22e promenent leur chèvre pis jouent au GI Joe à la Citadelle de Québec, ça serait drôle.

La chambre est toute pavoisée de trèfles... ben oui, c'est la St-Patrick dans 2 jours!

- «  Wait for me honey «  me dit elle en se rendant à la salle de bains. Tabarnak!!!! Elle en ressort dans un kit cochon vert avec un petit chapeau haut de forme vert brillant... « Tadaaam! Happy St-Patrick's day!!!!» Je peux pas rire, elle est en thérapie. Je peux pas la rejeter non plus, ça l'achèverait. Les anglo-canadiens ont ce petit côté kitch incontournable. But she's so lovely. Elle part son ipod... Bon, Slade, groupe irlandais rock... c'est pas très sensuel mais ça a du beat. J'ai quand même déjà baisé sur YYZ de Rush donc je suis pas trop dépaysé.

Elle s'approche et joue le grand jeu. Trop, c'est comme pas assez. Je la regarde et ça va pas. J'ai le coup de foudre pour elle. En fait, je l'ai toujours eu. Je peux pas juste la baiser. Je la pleure déjà. Mais je peux pas gâcher le reste de sa vie. Moi je me trouve foutu d'avance alors sauvons ce qui est récupérable. Après tout, se sacrifier au lit n'a rien à voir avec les moutons qu'on égorge sur l'autel...

Elle dort encore et elle ronfle aussi. Ça me rassure. Pas de danger qu'elle me plaque en plein milieu de la nuit pour ça. Elle fait l'étoile dans son bustier vert qu'elle a conservé. On a baisé tout l'après-midi, toute la soirée et toute la nuit. Pis oui c'est drôle s'envoyer en l'air en regardant des casse noisettes promener une chèvre en jouant aux GI Joe! Elle ouvre les yeux, me sourit et les referme aussitôt. Elle me serre la main, je fais de même et rassurée, elle se rendort.

Un an ne suffirait pas pour raconter ces dernières 24 heures. Du son de sa voix à la douceur de sa peau, de son intelligence qui garde éveillé à la chaleur de son corps qui se fout des mois d'hiver, je n'ai d'autre choix que d'abdiquer, de baisser ma garde et d'avancer aveuglément car j'ai rencontré la femme de ma vie. Ah oui, en passant, elle est venue! Oui... et plusieurs fois!!!

Mais je n'étais que la béquille qui allait la propulser vers le reste de sa vie. J'ai les yeux plein d'eau en me rhabillant. J'ai l'impression d'avoir été une psycho escorte. Elle dort dur et son ronflement me donne l'impression d'être sourd à mes propres bruits... Je l'embrasse sur le front et lui laisse une note. - « I won't call you... because I love you. Sorry for that too. Good Luck. Dan xxx »

J'arpente la rue St-Jean, je pleure et je me dis que je suis né à côté du bonheur donc je le vois mais je ne l'atteint jamais. Il est à 1500 km de chez moi, il est à 10 ans, il est à 120 000$, il est partout sauf où il doit être. J'aimerais donc ça me mettre un carré rouge et calisser mon pied dans une vitrine, me faire arrêter pis que ça tourne mal. Au moins, j'aurais pas juste l'impression d'être en prison dans ma tête.

Un mois s'est écoulé depuis que j'ai prêté ma canne à quelqu'un pour qu'elle réapprenne à marcher LOL! Je suis toujours aussi reclus. Mon trip, en cette température clémente, est de tailler mon hydranger. Je me suis acheté un super coupe branches téléscopique aux USA. Je me dis finalement que promener une chèvre, ça doit être un peu plus divertissant... comme quoi, je suis né à côté du bonheur mais crissement pile sur le karma. Au moment où je me dis ça, y'a un militaire en Jeep qui me regarde en se disant « As tu vu le pédé qui taille son arbuste? »... c'est beau, c'est correct.

Faut pas que je pense à Wendy. J'aurais peut-être dû l'appeler. Si j'avais été autre chose qu'un bouche trou dans tous les sens du terme, elle aurait rappelé.

Mon chien jappe. Je lui dis de fermer sa crisse de gueule, je suis juché sur un tabouret à émonder cette minable œuvre d'art qui ne fait que passer le temps en nous récompensant dans sa superficialité l'été venu. De toute façon, habiter sur le chemin Ste-Foy emmène son lot de passants qui divertissent abondamment mon sympathique mais combien cave clébard.

Y'a quelqu'un qui marche sur mon terrain... un osti de camelot, un ex détenu ou un témoin de Jéovah... sûrement.

« Would you like to spend the rest of your life with an idealistic, kitch, english canadian and probably control freak Irish? »

Je voudrais ben m'étouffer mais je n'ai rien dans la bouche. Elle est là avec sa valise, tenant dans sa main une petite boîte feutrée... verte évidemment. On me demande en mariage calisse! Tsé, gagner le million sans avoir acheté le billet? Je file de même. Elle se met à genoux... Je n'accepte pas ça. Je la relève... osti qu'à sent bon! Ses yeux sont les miens, son corps est le mien. Nous sommes demain... J'ai les yeux plein d'eau et elle aussi.

Je la regarde et j'hésite... Crisse Dan! Assez niasé!

Je dis... OUI!

Merci!

Le Chien Perdu

jeudi 24 janvier 2013

Freeze!


6h 45. Je quitte la chaleur momentanément car il faut sortir mon clébard qui pleurniche pour délester son corps de ses surplus. Je le regarde par la porte et il se les gèle pas à peu près. C'est une vague de froid terrible qui sévit à Québec et on se rend bien compte que quand les chiens ont été pensés et inventés par le Créateur, il ne faisait pas -30. Le pauvre Ali a maintenant 3 pattes de gelées sur 4 et c'est quand même cocasse de le voir danser, en quelque sorte, tout effectuant son No 2...

Baklava lui, se tient près du calorifère dans le portique, immobile, l'air misérable. Même pas envie de se sauver.

Je retourne au lit et retrouve avec plaisir chaleur et oreillers... mais cette chaleur et ce parfum sont miens. Y'a pas si longtemps, j'associait ces sensations à une femme à mes côtés. Maintenant, ça n'évoque que le repos et la flânerie. Je ne pense plus à une autre ni à une prochaine. Je semble me « vieux-garçoniser » de plus en plus!

Hier soir j'ai eu un 5 à 7 avec des collègues de 25 ans. On m'a appelé « mononcle » toute la soirée. J'étais pourtant pas en mode séduction... mais crisse pas pour autant en mode réduction! Je suis allé au petit coin, j'ai payé ma facture et j'ai quitté avec un beau sourire. Crisse! À 22 ans j'étais déjà mononcle! Pis si ça continue, je serai grand oncle d'ici 5 ans... Ben non, je sais très bien de quel mononcle elles parlaient. On parle du type qui boit pas de Red Bull, qui essaie de savoir au moins le prénom et le nom de famille de la fille avant de la baiser... un gars qui se met pas saoul un lundi soir... ah ben là, non! Mais j'en suis de moins en moins capable LOL!

Je travaille aujourd'hui donc faut se lever. Le soleil a beau en avoir fait autant, la froidure ne semble pas impressionnée par son spectacle. Si le thermomètre a pris un maigre degré, c'est beau...

J'ai mis mon passe-montagne de ninja! Avec les lunettes fumées, j'ai l'air du sombre héros d'une BD pour adulte, violente et sanguinaire avec un peu de jambes en l'air. I'm Dark Dan! Me manque plus que la cape... et quelques pouvoirs surnaturels!

Je suis en mission sur la planète de glace Québec et j'affronte le froid en direction de la Danmobile. À ma vue, les passants me craignent. Mais qui est cet homme sans visage? Même si tout est noir, le simple fait que ma tête soit en leur direction les intimide. Comme quoi l'inconnu fait probablement plus peur que le connu épeurant!

Je jette mon sac à dos sur la banquette arrière et me précipite dans l'habitacle.

Bon...

Le char part pas.

J'enlève lunettes et passe-montagne, question de ne pas déshonorer Dark Dan, avant de sortir de la bagnole – oui, car à partir de maintenant, ça s'appelle une crisse de bagnole! Là, pendant 10 minutes je ne fais rien, comme si tout allait se régler tout seul. Chu tellement con car, incédule, je retourne démarrer l'indémarrable.

Bon...

Ça part toujours pas pis là, je pense que la batterie est complètement à plat.

Je rentre dans la maison. Le chien est tout énervé. Papa rentre du travail... Connard! Je suis parti 10 minutes seulement! Il n'a aucune notion du temps et parfois, aucune notion tout court. Le chat lui, est plus fancy... comme un français mais c'est pas parce qu'il parle bien qu'il est nécessairement intelligent.

Bon, CAA... 1-800.... Quoi!!!! 45 minutes d'attente... sur la ligne là! Je finis par parler à quelqu'un. Alors d'ici 1 heure je devrais avoir la visite d'un gros barbu qui sent l'essence avec les mains noircies par la sueur des moteurs. C'est le fun, le hockey est recommencé donc on va pouvoir jaser de ça.

V'là le truck du CAA. Je sors et je prends ma voix de toffe. « Salut! Esti tu dois être dans l'jus à... » Tabarnak! As tu vu ça??? Un ange... - « Monsieur Moisan? C'est pour un survoltage? » C'est pas mêlant, je suis effectivement survolté! - « Oui, euh... oui madame, euh Mademoiselle, euh... » Grande, blonde et roulée à souhait! Mais moi, je suis un Mononcle taille plus... oublie-ça mon Dan. Je me disais jamais ça avant. Je grattais toujours un peu avant d'abdiquer. Maintenant, j'ai le comportement d'un pauvre dans le showroom d'un concessionnaire Porsche... sauf que crisse, c'est rendu des Honda dans l'osti de showroom! Alors je souris seulement et je l'appelle madame. Bon! J'échappe mes clés dans la neige et, crisse de jeans taille basse, elle a une vue imprenable sur le haut de mon cul et le bas de mon dos pendant que moi je fouille dans la neige pas de gants... les v'là! Ouf!

Elle est plutôt froide et moi je sifflotte dans ma tête « Je te réchaufferai » d'Aznavour. La bagnole démarre enfin. C'est un peu humiliant se faire dépanner par une fille dans un des derniers fiefs des hommes pas encore en voie d'extinction : les chars crisse. Je lui ai quand même fait 2-3 blagues mais aucune réaction. J'ai l'impression que le musée Grévin m'a envoyé un de ses personnages... Faut dire que ma meilleure était : un informaticien demande à sa secrétaire qui navigue sur le net : " vous n'avez pas froid ? "elle lui répond : "non pourquoi ?  « l'informaticien : " bah vu le nombre de fenêtres ouvertes sur votre écran ça va faire un sacré courant d'air »… Pis j'aurais peut être pas dû chantonner « Start Me Up » des Stones ni l'énarver avec mon histoire de mains glacées lors d'un tournage de clip... ni de lui offrir de boire quelquechose de chaud... Ah pis crisse! J'peux ben dire ce que je veux. C'est pas parce que le match est perdu d'avance qu'on peut pas jouer tant qu'y reste des secondes au cadran.

Je signe sa paperasse et elle me tend un papier bleu sur lequel il est écrit « Beau mec, appelle moi!  686.... Bianca Neva» C'est drôle! Son nom traduit en français donne Blanche neige LOL! Là, je ne comprends plus rien. Moi, j'intéresse cette top modèle de la remorqueuse? Je quitte pour le boulot avec un sourire indélogeable.

On s'appelle et on se jase ça sur Facebook. En dehors de sa job, Bianca est géniale. On convient d'un premier rendez-vous, juste pour un verre cependant... à l'hôtel de glace. Ils annoncent -35 avec le vent donc je m'habille en conséquence. Je mets des pantalons de ski et en dessous, bon, j'ai une ex qui avait laissé ici des leggings thermals, roses avec des pois verts fluo... mais ça garde chaud et personne ne les voit...

Je l'aperçois au bar de l'hôtel et ses yeux sont plein d'amour! « Salut mon beau... Contente de te voir » me dit-elle en me frenchant littéralement la face. On jase de nous deux et j'apprends son lourd passé. Abandonnée par une fille-mère Suédoise en voyage au Nunavut, Bianca a été élevée par les autochtones de cette région. Elle sait faire un igloo et mettre à sa main un troupeau de Huskies. « Dan, j'ai hâte de faire l'amour avec toi » ajoute-t-elle en m'attrapant subtilement le bas de la ceinture avec ses mitaines...

Elle prend un troisième Martini et elle est pompette. Je vois le temps qui file et je lui propose d'aller marcher dans les sentiers, hitoire qu'elle dégrise un peu... au pire, je lui appellerai un taxi. L'hôtel de glace est sur les anciens terrains du zoo de Québec. En se promenant, je lui raconte les expéditions héroïques que je faisais à 7 ans sur le bord de la petite rivière... Je suis perdu dans mes paroles et elle m'interrompt. « Dan, mon fantasme ultime, c'est de me faire prendre dans la neige » Ouf! Perdu dans mon monologue, j'avais pas vu que ses pantalons étaient rendus aux chevilles et qu'elle me demandait d'en faire autant... Crisse, tu te baignes quand l'eau est à 75 et t'as la bite qui se réfugie dans ton corps, telle une tortue effrayée... imagine à -35!!! « Viens mon chéri! » hurle-t-elle en faisant l'étoile dans le banc de neige. Me reste plus qu'à sortir Agaguk de sa cachette. Sans penser, je baisse mon pantalon de ski complètement. Je suis tellement excité et sous cette emprise, le corps ne sent plus rien. Afin d'être plus mobile, j'ôte mes bottes et me débarrasse du pantalon en me disant que ce sera vite fait bien fait.

As tu déjà essayé de mettre un condom à -35? Ça craque. J'ai encore rien fait mais je ne peux enlever de ma tête l'image d'une paille dans une slush... Mais qu'est-ce qu'elle hurle! « Ahhhhhhhh! Dan!!!!! Haaaaaaa! » Le temps est comme arrêté. Les flocons rondent et s'illuminent littéralement, tout comme son regard... Osti, c'est des flash lights. - « Vous êtes en état d'arrestation... quoi? Toi?!!!!! » Ah non! Désirée (Épisode « Allez-y, Gâtez-vous»). Au nombre de polices qu'y a à Québec, y'a tu moyen de tomber sur une autre que la seule avec qui j'ai eu de quoi? Bianca est dans tous ses états et je me demande si elle a repris ses esprits car elle semble plus excitée à la vue d'une policière. À trippe tu uniformes ou bien exhibitionnisme ou ben de se faire pogner?

Désirée, la méchante police me donne uniquement mes bottes et décide de conserver mes culottes de ski. « T'es assez chaud lapin, tu vas t'en sortir » Pour ce qui est de Bianca, c'est une ambulance qui s'en est occupée car elle est en état de choc. Il semblerait que de réaliser un fantasme qui nous tenaille depuis des décennies, a pour effet de déclencher des réactions latentes... du moins, assez pour que la fille se mette à parler suédois soudainement...

En tout cas, c'était quand même cool... c'est le cas de le dire.

Et moi, me voilà dans une cellule commune au poste de police, à me faire regarder avec mes leggings roses à pois verts...

On me tape sur l'épaule... - « Allo mon beau, moi c'est Cédric. C'est drôle mais moi, j'ai le chandail de ce modèle-là. Hi hi hi! Tu fais quoi en sortant d'ici? »

Calisse!

À plus!

Le Chien Perdu

mardi 15 janvier 2013

Lose Your Love!


C'est mon troisième party et il est 1h AM. Curieux jour de l'An que celui qui a dit au revoir à 2012 et bienvenue à 2013. J'ai pas écouté le Bye Bye et ça fait maintenant 5 heures que je suis sur la Becks sans alcool. Me voilà, totalement à jeûn mais je tiens à aller saluer ma gang du Cactus... après tout, à se voir à chaque semaine, on finit par se sentir comme dans la famille. Sobriété et party ne vont pas de pair... du moins quand tout le monde est ben saoul sauf toi. Dire que y'a une semaine, j'étais dans la verdoyante et pluvieuse Angleterre à philosopher en compagnie des cygnes et des oies sur le bord de la Tamise. J'avais écouté « Rome, I love you » de Woody Allen sur l'avion du retour. Quand j'écoute un Woody Allen, y'a toujours la toune des Rita Mitsouko qui me joue dans la tête... « Les histoires d'amour finissent mal, en général! » Comme pour cette ritournelle, le cinéaste réussit à rendre divertissante une certaine déchéance humaine à laquelle on s'identifie à coup sûr.

Donc me voilà, entouré de jeunes loups et louves en ruth. Je feel « has been » mais en même temps, je sais que je ne serai jamais un gars qui fera son âge. J'assume pleinement mon syndrôme Peter Pan et je fais mon chemin à travers les avinés tout croches qui ont passé du stade « j'peux tu chauffer mon char? » à « j'peux tu me tenir debout tout court? »... c'est pas chic. Ça doit être comme ça que les gens qui travaillent à l'asile se sentent, entourés de « pas sur la même longueur d'onde » qu'eux, me dis-je, du haut de ma sobriété raisonnable mais combien ennuyeuse.

Après mes salutations d'usage avec le super staff, je me retrouve avec un 7up à jaser avec le DJ. 

Rongé par je ne sais quel malaise, je décide de quitter. C'est plate calisse! C'est plate en esti! C'est pas vous, c'est moi Tabarnak! Je suis dans l'antichambre du bonheur, envahi par le dilemme de me péter la face avec la première venue, de continuer sur la route de l'indépendance quasi monastique ou ben de reprendre avec mon ex. Calisse que c'est d'la marde!

Je longe le bar en spottant la sortie. Une gang m'intercepte. Des belles chicks. Elles sont 3. Y'a 2 gars donc y reste une place dans l'char! « Salut! Viens prendre une bière avec nous » C'est suspect, crisse. Les 3 filles me regardent comme si j'étais une rock star... non une TV star. Je les approche et je suis vraiment d'un scepticisme consommé. « Euh, tsé, s'cuse, tu serais pas chosebine d'Occupation Double? »

Suis-je humilié? Suis-je déclassé? Suis-je dénigré? Je le sais pas mais suis-je à boutte? Oui! Évidemment, je réponds non. Tels les chanteurs de Mili Vanelli qui viennent de se faire buster LIVE on stage avec leur lipsync à la con, me voilà automatiquement ostracisé parce que je ne suis pas Kaven, le 2 de coscient dans cette merde de téléréalité. Mais je suis pas dépendant affectif au point de me reprendre en leur disant que je reviens d'une tournée en Angleterre... Je m'en calisse pis mangez toutes d'la marde.

Je suis dehors. La neige tombe et moi aussi... À la maison, je suis couché dans mon lit sur le dos. Je vois clairement le plafond de la chambre... « Donc chu pas si bas que ça » me dis-je...

Je rêve au sud. Cuba et ses belles plages... mais crisse que la bouffe est dégueu... Osti, je rêve! Je peux tu au moins rêver à quelque chose de cool?????

DRIIIIIING! Le téléphone me sort de mon sommeil, de mes rêves et aussi de la toune « Guantanamera ». Chu pas déçu.

« Allo? » - « Oui M. Moisan? C'est... de TVA » Ah ben crisse! Pense Bonne!!! « Vous arrivez au 4e rang d'un palmarès international, le World Lover Loser 2012, tout juste après Woody Allen, Elizabeth Taylor et Britney Spears...  C'est votre blogue Le Chien Perdu qui vous vaut cet honneur » Je ne me pince même plus. Tout m'arrive. Même mes rêves sont rendus plates comparés à ma réalité. « Est-ce possible d'avoir une entrevue? » - « Excuse moi là mais ton entrevue, tu peux bien te la mettre... » - « Non, non! Écoute. J'ai pas toujours été correcte avec toi mais tu sais c'est quoi... les gens veulent des histoires plus vraies que vraies, on tourne les coins ronds, c'est spectaculaire pis le boss aime ben ça. J'ai rien contre toi. Ah pis c'est comme tu veux. Je ferai un topo pareil. T'auras juste pas l'opportunité de t'exprimer » Ostie de vache... - « Ah! OK d'Abord! » Je déteste quand les journalistes font ce genre de chantage. Ils ont tellement de pouvoir. « Donc, on se voit où? » - « Euh... chez moi ça t'irait? » dit elle.

Ostie de Pense Bonne! Kossé qu'à veut vraiment?... Dur à dire. Est pas laitte... petite un peu mais bon. Il fut un temps où je rêvais de me taper ces petites arrivistes, les croyant meilleures que les autres, pour finir par m'apercevoir que cet « over achievement » de leur part n'était bien souvent qu'un pattern qu'elles avaient développé depuis leur tout jeune âge pour attirer l'attention d'un père absent et indifférent. Elles sont tellement absorbées par ce qu'elles veulent devenir, que dans le moment présent, elles ne sont rien.

J'arrive sur la rue Bellevue. Ah ben! Pense Bonne et moi, on reste pas loin l'un de l'autre... physiquement, du moins. Je sonne. Elle ouvre « Oui, entre, enlève tes souliers » me dit-elle tout en parlant au téléphone avec je ne sais qui... Crisse! J'ai un bas percé. Mon gros orteil est sorti. Je tire sur le bas pis je le replie en rentrant le tout entre deux autres orteils... j'ai l'air cave mais elle a rien vu. « Qu'est-ce que t'as? Tu boites? » Je lui fais un signe genre, j'ai la cheville foulée. Elle me regarde même plus. Elle est absorbée par son appel. « Oui mais as tu la shot? Tsé la shot où je fais pleurer la madame en lui montrant les photos de son mari mort? Oui! C'est bon ça! Ça va tirer en masse. Les explications de la police? Non laisse faire, on a pas le temps. Focus sur le show. Le fond de l'histoire, ça intéresse personne. Quelqu'un? Oui, j'ai le camelot ici que je dois payer » Tabarnak! Le camelot! « Ta femme est pas là ce soir? Ah... peut-être. Je peux pas te parler... » conclut-elle en baissant le volume.

« Bon! Alors assieds toi. Voici le communiqué. Ça sort demain sur TVA et sur Mlle. Tu as été sélectionné car ça prenait un québécois et par surcroît, quelqu'un qui n'a pas une carrière qui pourrait souffrir de ce palmarès. Pis les montréalais voulaient absolument quelqu'un de Québec. Montréal a une image trop loser actuellement »

-  « Mais qui m'a inscrit à ça? » - « Euh... moi! » Tu parles d'une crisse de folle! Là, je sais pas ce qui me retient... « Ben quoi? Tu passes bien à la caméra, tu parles bien pis t'as un baby face. Tu vas être parfait, crois moi. Tout le Québec va vouloir sortir avec toi » Mais je veux pas sortir avec tout le Québec moi! Son téléphone sonne. « Allo? Oui! Il est ici. Attendez, je vous reçois mal » dit-elle en sortant dehors.

Me voilà seul dans le salon de Pense Bonne qui gesticule dehors tout en grillant une cigarette. Crisse, j'ai envie de pisser. Où sont les toilettes? Y'a un couloir et 3 portes. J'ouvre celle du fond. J'allume la lumière. Je capote ! Une pièce remplie de découpures de journeaux et de posters de... MOI ! Là, je me pince. Pense Bonne accro à moi? Je vois un écran d'ordi ouvert... une page Facebook. C'est Rita Rondeau, la petite grosse qui commente toujours les statuts sur la page de Mosquito-B. OK! Rita, c'est Pense Bonne... Elle s'est créé une fausse identité pour me traquer... J'entends du bruit. Je ferme la porte et je déambule doucement vers le salon. Mon absence n'a pas paru mais avec tout ça, j'ai pas pissé...

« Voyons, t'as l'air bizarre » me dit Pense Bonne. Je la regarde et je souris. Elle est maintenant différente. Je la trouve comme plus belle depuis que je sais qu'elle me veut. - « Alors, cette entrevue? On se la fait? » lui dis-je en prenant mes aises sur son sofa. - « Oui, oui » répond-elle en regardant sa montre de façon incessante. - « Tu sais... au fond, je t'ai toujours trouvée ben bonne. T'as le sens du timing et du spectacle dans tes topos... » Ça y est, j'ai ouvert la machine, je la sens nerveuse... rien ne pourra m'arrêter... Clic! Clic! Squick! La porte ouvre... sûrement un caméraman.

- « AAAAAAAAAHHHHHHHHH!!!!! Dan Louiiiiiiiis!!!!!!!! » Mon Dieu mais quel cri strident ?!? Osti! C'est... - « Dan, je te présente Rita Rondeau, ma coloc » dit-elle en me pointant du doigt une petite grosse en pleurs, au bord de perdre conscience sur le pas de la porte. « Ce concours de loser, c'était qu'une feinte pour t'attirer ici. J'avais promis à Rita qu'elle te rencontrerait pour sa fête. Tu m'en veux pas j'espère? » Ça cogne à la porte... là c'est le caméraman. « Bon ben mon rendez-vous est là. Je vous laisse faire plus ample connaissance. Ciao! Ah oui Dan, ton gros orteil est sorti de ton bas... » GRRRRRRRRR!

À plus,

Le Chien Perdu

lundi 24 décembre 2012

Scrooge 2.0


Me voilà, déambulant dans la City, cette magnifique Londres dont je ne me tannerai jamais je crois. À chaque fois, c'est le pélerinage. Picadilly Circus, Big Ben, Oxford Street, Tower Bridge sont à l'itinéraire. Ah oui, j'aperçois une immense affiche annonçant le Winter Fest, à côté de laquelle passent deux joggers en shorts et en t-shirts. L'hiver n'est pas crédible ici...

Une fine pluie tombe sur moi et j'ai pas de parapluie. Qu'à cela ne tienne, bien des gens n'en ont pas ici. La pluie fait partie de leur lot quotidien. Mon cœur est encore orphelin. Malgré la dizaine de condoms que j'ai apportés pour m'encourager, je ferai comme d'habitude, c'est-à-dire, rien!

Il fait noir très tôt ici l'hiver. 4 heures moins quart et la ville s'illumine. Je vais m'engloutir au Porter House, un pub bondé de gens dans le quartier Charing Cross. 3 étages de buveurs en cravate et de pitounes sur leur 36. La bière y est bonne. Je suis seul, attablé au fond du bar et je file pas. Les bières s'accumulent et je me dis « Fuck l'amour esti! Chu ben en crisse tout seul »...

Soudain, j'aperçois devant moi une écolière d'au plus 7 ans. Elle a son sac à dos et tient une bière dans sa main... « Je peux m'asseoir? » me dit-elle dans un québécois impeccable. - « Tes parents sont avec toi? T'as pas le droit d'être ici tu sais et encore moins de boire de l'alcool » - « Je ne suis pas vraiment ici le smatte. Je suis le fantôme de tes amours passées pis le grand boss trouvait qu'en me donnant cette allure, ça ferait plus concept tsé. En fait, j'ai environ 937 ans » Là, je fais le décompte de ce que j'ai bu pis j'me dis qu'y'a un problème. Kossé qu'y mettent dans leur bière cristie??? Je lève les yeux et elle est toujours là mais tabarnak! On est dehors dans une ruelle sombre. « Suis moi pis pose pas de questions! »

Elle ouvre une porte et... c'est ben éclairé ici? Il fait soleil... en fait, le soleil se couche et le ciel est rose-orangé. Je suis à Québec et je m'aperçois tout jeune. J'ai 7 ans et je parle avec la nouvelle arrivée dans le quartier, Claudia, une orpheline qui a été adoptée... Elle est magnifique sur son vélo Mustang avec un banc banane. J'ai que 7 ans mais je suis en amour pour vrai! Elle repart chez elle et me voilà entrain de chanter tout en me balançant après le poteau entre les deux terrains chez mes parents. Il se met soudainement à neiger et j'ai 9 ans. On est en février et me voilà au pas de la porte chez Hélène, ma voisine d'en arrière. Je dépose une carte de St-Valentin, je sonne et je file en courant. J'entre en vitesse à la maison et j'attends patiemment le téléphone de ma douce, toute heureuse de son présent... Je l'ai aimée jusqu'à tard dans la vie Hélène. « Vois tu comme c'est beau? » me dit Fantômette. - « Voyons! J'étais qu'un enfant. C'est naïf un enfant » -  « Suis moi, idiot... »

J'ai 11 ans et je me retrouve au terrain de balle de St-Mathieu, le fameux « Backstop » comme on l'appelait. Je suis à l'écart avec Kim. Si John Lennon avait pas enregistré la toune « Woman », j'en serais pas là. Kim et moi, on a dansé ce slow ensemble 100 fois dans toutes les discos organisés dans les sous-sol de la paroisse. On fermait les lumières au grand dam de nos parents pis on dansait collés. -  « Je t'aime Kim! » Ouf! C'est la première fois que j'ose dire ça à une fille pis je le pense tellement. - « Moi aussi Daniel... mais juste en amis » BANG!!!!!!! Comme dirait Rod Stewart, « The first cut is the deepest », me voilà, la mine déconfite, rejeté pour la première fois. Après, ça n'a plus jamais été pareil.

Mon premier french chez Nathalie, après la messe de 9h 30. Lennon avait cédé le pas à Air Supply. Elle avait des broches. Je trippais pas mais elle était plus vieille que moi donc elle était willing à frencher.

Ou bien à partir de secondaire deux, la belle Catherine qui était dans le bus scolaire. J'avais pourtant bien préparé ma déclaration d'amour toute l'année durant. Lui ai-je même dit « salut » la dernière journée des classes? Ben non. Je l'ai regardée s'engouffrer dans l'été à chaque fois et ce jusqu'à la fin de mon secondaire. Elle n'a jamais su rien de rien... Un soir, à une disco organisée par l'école, elle me parle et, fouille moé, elle me french! Chu tellement énervé que le mal de cœur me pogne. Je vais prendre l'air 10 minutes et à mon retour, elle est dans les bras d'un autre... calisse!

Ma voix change tout d'un coup! Je suis dans un sous-sol de Cap-Rouge et j'ai 16 ans. On se tient avec des sœurs jumelles. Évidemment, je sors avec les deux... mais une après l'autre là! Elles ont 18 ans et elles m'intimident. Finalement, fin mars, celle avec qui ça a marché me dompe au téléphone. Je me vois pleurer comme une chochotte dans ma chambre. Je revis le rejet de Kim et à chaque fois, je ressens cette frustration face à l'impossible, cette absence de Mojo qui m'a été volé à mes débuts.

Mais qu'à cela ne tienne, je continue. À moins d'être saoul, jamais je ne ferai de premiers pas envers qui que ce soit et si j'avais pas ce petit crisse de baby face et ce pseudo air cool, c'est le monastère qui m'attendrait. Je laisse filer des bateaux par gêne et par peur... Catherine, Annick, Marie-Chantal, Nadine. Je préfère soit des pitounes insignifiantes et capricieuses ou ben des « girl next door » déjà acquises que je n'aurai pas à courtiser.

Ce voyage dans le passé m'écoeure. « Tu cherches à me prouver quoi calisse? Qu'en amour, chu un raté? C'est ça? »

- « Les remords et les regrets ne sont que la semence pour un meilleur arbre » me dit-elle en s'effaçant tout en me faisant un tata de duchesse.

Je suis sur le bord de la Tamise et Londres brille de tous ses feux. J'aperçois le dôme de la Cathédrale St-Paul. On dirait le Capitole à Washington. Comme quoi lieux de culte et de pouvoir sont souvent bonnet blanc, blanc bonnet. Une voix me tire de ma réflexion politico-inutile. - « Vous avez un peu de monnaie? » Une mendiante d'au moins 300 livres se tient, titubante devant moi. Maudite monnaie Anglaise! Croyant lui avoir donné du petit change, la voilà toute souriante, me remerciant de lui avoir offert 8 livres sterling! Pas grave, elle en a plus besoin que moi. « Mais que ferais tu s'il s'agissait de tout l'argent qu'il te reste? » Coudonc, à lit tu dans mes pensées elle? Heye! Ché pas son truc là mais ses yeux sont verts fluo! « Je suis le fantôme de tes amours présentes! Je suis les grains du sabliers qui filent comme le vent, celui qu'on ne ressent qu'un instant mais qui, selon ce que tu en feras, propulsera ou coûlera ton voilier »

Me voilà dans un écran d'ordi. Je me promène à travers les les lettres qui forment des mots qui eux forment des phrases. Des belles photos de filles à côté des mots... - « Tu fais de la musique? Tu dois te pogner toutes les filles que tu veux. Désolée, moi je cherche un gars stable » Calisse! On me l'a fait 100 fois celle-là! Mais c'est pas mieux l'autre, qui après 2 semaines de fréquentations m'avait trouvé une job à 80 000$ en me disant qu'il serait temps que je vieillisse... En plus de toutes celles qui n'aiment pas les cheveux longs... Voilà la photo de Stéphanie. Elle, je l'ai connue dans un 5 à 7. J'ai eu le coup de foudre instantanné. Malgré que je l'ai revue, j'ai jamais osé faire quoi que ce soit. J'ai toujours soupçonné qu'elle cherchait un gars à cash... le temps a passé et c'est ce qu'elle a trouvé. Je l'aurais bien embrassée au moins une fois par contre... Je vois la fiche de Sophie (épisode Réseau Cons Tartes). Je clique sur sa photo et me voilà chez elle. Elle cuisine ses petits biscuits de Noël et a tout pavoisé son 3 et demi mais avec goût. Sur son ordinateur, c'est mon profil Facebook à l'écran. Ben voyons, elle m'avait pas bloqué elle? Ah OK, elle s'est prise une autre identité... tsé la fille aux gros seins de Lévis que j'ai acceptée y'a 6 mois... c'est Sophie! Elle arpente machinalement toutes mes photos mais se garde bien de cliquer « J'aime » sur quoi que ce soit.

Elle vient de raccrocher le téléphone. Après avoir refusé 30 invitations à souper de Pierre, son collègue au bureau, la voilà qui vient d'accepter un premier rendez-vous avec ce dernier. Elle regarde ma fiche Facebook et clique « Retirer de la liste d'amis ». Elle ferme son portable et tout devient noir.

- « Là, chu foutu mur à mur! » dis-je à la grosse fluo. - « Il n'y a que dans le passé qu'on est foutu et il n'y a que le présent qui peut forger le passé » me dit-elle en quittant les lieux.

Je me retrouve dans le quartier Soho et j'entends un beat de musique dance. C'est un pub appelé « Bar to the future » et j'y aperçois le joli minois d'une blondinette aux yeux bleus de Québec que je trouve formidable mais qui fait partie de ma liste des « tu le sauras jamais ». Elle me fait signe d'entrer. J'arrive à l'intérieur et je suis effectivement à Québec! Chu au Beaugarte Calisse! On me pogne le cul... je me retourne. Crisse! Un gars de Village People! « Allo mon coco! Je suis le fantôme de tes amours futures hi hi hi! » - « Ah ben toé mon tabarnak! » Au moment ou je m'enligne pour y crisser mon poing s'à gueule, je m'aperçois... j'ai les cheveux blancs! Kossé ça Crisse? Je bois de la crème de menthe???? Un crisse de dindon qui spotte les pitounes qui dansent. On est le 23 décembre et mes enfants sont à l'extérieur du pays pour leurs études. De toute évidence, j'ai personne dans ma vie. J'ai l'air d'un gros con amnésique qui attend toujours un train qui est passé depuis 20 ans. Une madame pas laitte me dévisage, je souris mais sans plus... d'un coup que j'hypothéquerais mon avenir... comme s'il m'en restait un:-( Elle est avec des gens d'un party de bureau qui sortent en rigolant... mais c'est... C'est Sophie! Son regard s'immobilise et elle me reconnaît. Elle me sourit pathétiquement comme on sourirait à Don Quichotte. À son bras, le fameux Pierre qui a préféré s'occuper de la Sophie en vrai plutôt que de s'acoquinner avec la virtuelle Greta aux grosses boules de Lévis.

- « AAAhhhhhh! C'est Bad Romance de Lady Gaga » de dire le gai fantôme. « Viens danser! » Je refuse catégoriquement. Soudain, une horde de femmes en jaretelles déguisées en faucheuses me poussent sur la piste qui devient un avion dans lequel nous sommes tous assis et qui est secoué par d'intolérables turbulences. - « This is your Captain... You failed so we crash! » AAAAAhhhhhhhhhhh!

- « Ça va Dan? » Mes musiciens sont un peu inquiets. Affecté par le jetlag, je m'étais endormi quand ils sont allé chercher la bière. Ouf! J'ai tous mes morceaux. On entrechoque nos verres en se souhaitant la santé mais je ris jaune. Quel étrange rêve.

Une superbe anglaise se tient au bar. Elle me jette un regard mais se retourne aussitôt. Je la désire mais je reste ass... NON! Je me lève et me dirige dans sa direction... Elle sourit.

JOYEUX NOËL!

Le Chien Perdu


samedi 8 décembre 2012

La Diva


Je marche dans une grande pièce. C'est un musée. Le plancher de marbre italien glace littéralement mes pieds nus. Je les vois toutes, affichées sur les murs. Elles sont peintes par Gauguin. Isabelle, Julie, Marie, Valérie, m'observant avec ce regard qui hypnotise... mais la lueur au bout du couloir est plus intense. J'y arrive et j'aperçois la Vénus de Milo, entourée d'un périmètre de sécurité, vous savez, ces bandelettes jaunes avec écrit « Danger » en noir? L'attraction est trop forte. Je fais fi des avertissements et je tasse ce ruban, du moins, j'essaie. Mes pieds deviennent lourd et je ne peux plus... Fuck! J'ai plus de bras!!! Je suis pétrifié et devant moi, Vénus est libérée de son socle et, tiens donc, elle m'envoie la main! Elle part en courant et en éclatant de rire, suivie par mes ex, libérées de leur tableau. La lumière s'éteint, je tente de crier mais rien ne sort ni ne s'entend. J'ai l'impression d'être un citoyen de Pompéi, dont la détresse est assourdie par la lave qui le recouvre.

J'ouvre les yeux. Je suis détrempé. Je savais bien que c'était pas réel mais j'avais hâte que ça se termine. Est-ce que je rêve encore là? Car je suis au bureau... Non je ne rêve plus. Je suis vraiment au bureau. Le problème, c'est que Dan ne dort plus. La nuit est devenue mon ennemie. Mon lit est vide et je crois qu'il y a pire que la routine en couple : la routine seul. Ça va faire bientôt 2 ans que je n'ai pas eu de relation solide et sérieuse et Noël s'en vient. J'ai pas encore succombé à la télé donc j'essaie de m'occuper mais je sors beaucoup moins aussi, donc c'est le jour de la marmotte à toutes les esti de journées! J'ai mon carnet de tâches... faire sortir le chien, vider la litière, mettre mon statut Facebook à jour, sortir le chien, vider le lave-vaisselle, remplir le lave-vaisselle, vider la litière, passer la balayeuse... alouette!

Tous ces trucs n'étaient qu'accessoires pour moi avant. Je considérait ça comme le fait de transporter mon ampli ou de faire un test de son avant un show. C'était un mal nécessaire mais la récompense, c'était le spectacle. Là, une fois le travail accompli, y'a pas de show. Que des pièces vides où je ne sens que mon parfum. Je l'ai tu encore une fois l'osti de blues des fêtes? Tabarnak!

Mon téléphone sonne. C'est Angélique DuBruton, la journaliste culturelle de l'hebdo pédant Matuvu. Kossé qu'à veut elle, crisse? « Bonjour Dan! Ça va? » Voyons donc, calisse. Elle a jamais retourné un de mes foutus courriels qui annonçait mes shows depuis plus de 5 ans. « On organise une soirée où plusieurs gens des médias offriront une prestation musicale pour venir en aide à Centraide. J'ai vu que tu avais une chanson de Noël. J'aimerais en parler avec toi. Sacrilège à 20h ce soir? » - « Euh... oui! » lui dis-je, tel un lévrier qui répond illico au signal de départ sur la piste. On a beau les mépriser les scribes, ils ont tellement de pouvoir qu'on leur lèche les bottes, même si elles ont marché dans la bouse de vache.

Même si à m'énarve, est quand même roulée l'Angélique. Je la vois au fond du bar lisant probablement pour la 100e fois Georges Sand. Superficielle ou pas, sa formule marche. Elle a tous les gars à ses pieds. Moi, ça m'impressionne pas. Je résisterai toujours à ce genre de... - « Allo Dan » Osti! Je craque! Ses yeux bleu de mer avec des petites lunettes d'intello au bout d'un nez parfait. Assez fashion, assez grano, assez coquette... assez!!!!! Je prends sur moi. - « Ouais » Depuis quand je dis ouais moi? « Ça va? » - « Assieds toi à côté de moi, on s'entend pas parler ce soir » me dit-elle d'un ton plus aguichant que n'importe quelle pétasse qui annonce une ligne 1-976. Pis un ancien banc d'église, ça n'a aucune limite en ce qui concerne les rapprochements... chu loin de la litière à chat là!

« Écoute, je passerai pas par quatre chemins. J'ai décidée de me lancer dans la chanson. Je suis un genre Carla Bruni mais meilleure, tu vois? » Complexée la madame! « Et tu seras mon guitariste accompagnateur » me dit elle la main à ma mi-cuisse. « Tu vas aussi réaliser mon premier simple dans ton studio. Pis en échange, tu seras le dernier artiste à jouer à notre spécial de Noël qui sera, je te le rappelle, télévisé! Pis si t'es gentil, t'auras peut-être plus » Là est à 2 pouces de ma face. Osti qu'j'à frencherais!

Je sais pas pourquoi là, mais j'acquiesse calisse. Je le sais pourquoi... me faire m... ou s... en me faisant parler de Georges Sand, c'est ça qui m'intéresse... pis une prestation télé au fond, ça pourrait me donner un sérieux break.

Non non, chu pas dans une pièce de Ionesco, chu entrain de m'envoyer en l'air mais c'est tout comme... Y'a des limites à se la jouer là. Je n'ai jamais entendu un nombre aussi incroyable de « je » de « me » et de « moi ». «  Ah Dan, Ahh, ahh, brr ! Non, ça n’est pas ça ! Essayons encore, plus fort ! Ahh, ahh, brr ! Non, non, ce n’es pas ça, que c’est faible, comme cela manque de vigueur ! Je n’arrive pas à barrir. Je hurle seulement. Ahh, ahh, brr ! Les hurlements ne sont pas des barrissements!!! (Eugène Ionesco, Rhinocéros) » Vite le dernier acte ou ben calisse, une entracte mais de quoi esti!

On est assis dans le lit, un à côté de l'autre. Elle grille une clope. On se croirait dans un film tant y'a de miroirs dans sa chambre. « C'était bien. T'es quand même un peu cérébral pour un gars qui fait de la pop. C'est pas de ma faute si je m'impose, désolée, en fait, c'est quand je suis avec plus faible que moi. J'ai horreur du vide intellectuel » Osti! Le pire c'est qu'elle a raison la tabarnak. Des courbettes pour un cul racing, de la soumission pour quelqu'un qui apprend des choses par cœur, qui a la logique de l'air du temps ou des classiques mais rien d'auto-généré par elle. Elle ne fait que réflèter les autres. - « Je comprends, je t'ai trouvée super intense Angélique » Ah oui, je vous l'avais tu dit que Dan, c'est un con?

Nous voilà dans mon studio. Je sais, j'aurais pas dû acheter les sushis à 45$ mais bon, j'ai toujours rêvé de faire ça avec une journaliste culturelle là où je crée qu'elle voit à quel point je suis un pro... créateur LOL! - « Là, ça va pas du tout. L'air est sec ici. Ma gorge. Sais tu combien ça va valoir un jour cette voix? Allez, de l'eau, pas du robinet, en bouteille et européenne mais pas Evian, c'est ringard Evian » Je suis révolté mais je me sens tellement hot d'être avec elle. Bon, elle a fait croire à tous ses amis de Matuvu qu'elle était en weekend de ressourcement chez sa mère mais je me dis qu'un jour, elle osera peut-être s'afficher avec moi. Chu pathétique. Oui mais c'est Angélique DuBruton. C'est comme la fille à Québec qui avait trompé son chum et qui avait eu pour seule excuse qu'elle ne pouvait pas passer à côté de ce gars-là. C'était quand même Tony Twist des Nordiques...LOL! J'ai beau mépriser l'élite, on veut tous en faire partie à un moment donné. On est tous de sales putes.

Osti de chansonnette poche. L'instrumental est fait, le chant maintenant. « Loin de l'ocre des sanguines, mes mots ne font que dépérir, faisant fi des lézardines, ta longue corne me fait barrir » Kessé ça calvaire? Osti qu'à chante mal. Je vais être obligé de la convaincre de faire du rap, je pense. Mais là, je tombe dans le pattern du réalisateur qui lui dit à quel point elle est bonne... mais qui omet de mentionner que c'est ailleurs que dans le studio qu'elle l'est. « Ah Dan, faut que je prenne un break. Je suis trop intense là! Ça va reléguer ta guitare aux oubliettes » Heye là!!!!! « Prends moi pour décompresser » - « Tout ce que tu veux Angélique... »

C'est le jour du show. Bon, je sais, j'ai évidemment fourni les amplis pour tous les artistes, je pouvais pas dire non au moment où elle me les a demandés. WOW! Les caméras de TVA. C'est mon pote Luc qui filme. J'aperçois le programme de la soirée... je joue à... 2h du matin?!? Ouin... Ah pis TVA filme juste Angélique... Après, y décrissent... OK. Je la vois donner son entrevue. « Oui, Rhinos Eros, c'est ma création inspirée de Ionesco. J'ai tout fait, même l'enregistrement, la guitare et tout » Osti de mange marde! Elle comprend mon regard. Je tourne les talons avec mes amplis.

Je rentre chez moi et j'allume la télé pour la voir se planter la petite mégère. Ben non, à se plante pas. À fait du lipsync sur la toune que j'y ai faite gratos... ou presque. Elle m'envoie un texto : « T'es un lâcheur, tu sais pas ce que c'est un vrai projet professionnel! Pas de place pour les porteurs d'eau sous le projecteur, c'est simple non? Continue d'échouer espèce de créateur de POP infecte! Pis au lit, franchement, tu devrais peut-être envisager une carrière solo »

Me v'la baisé mur à mur.

J'ouvre le journal ce matin... Angélique Dubruton, récipiendaire de la bourse Carole Laure pour sa contribution exceptionnelle à métisser deux formes d'art... 75 000$

C'est assez là!


À plus

Le Chien Perdu




mardi 27 novembre 2012

La numérologie


69. Quand je disais à mes amis mon année de naissance, dès l'adolescence, j'avais l'impression d'être affranchi, d'être plus déluré que les autres. Hormis l'inévitable position sexuelle, le 69 représentait l'apogée du peace and love, de l'amour libre, de l'âge d'or du sexe sans souci. Les 68 étaient des révolutionnaires et les 70, des lendemains de veille en crise... 1969, c'était le top, point! Une fille que j'avais connue dans un bar m'avait fait mon profil numérologique par rapport à mon année de naissance. Je lui avais fait croire que ça m'intéressait... la baiser m'intéressait en fait!

« Dan, 1+9+6+9=25. 2+5=7. Le 7 est le chiffre de la totalité, de la chance et de l'accomplissement. » Donc, je devrais la baiser si tout va bien? « Daniel, 6 lettres. 6+7=13. 1+3=4 » Oui!!!! à 4 pattes! Yes!!! « Le 4 est l'indice de la stabilité. Donc tu devras rechercher la stabilité dans sa totalité » Je l'ai évidemment pas baisée car elle s'est mise à me parler de ses chacras qui étaient en baisse les 8 du mois et qu'elle avait tendance à s'amouracher des 7... donc pas de position stable avec elle...

J'ai sûrement souffert d'un déficit d'attention quelconque car plus que 10 chiffres sur une feuille et me voilà perdu comme un ours polaire en pleine forêt amazonienne. C'est la redoutable journée aujourd'hui. Celle des comptes. Celle où je dois tout démêler sur Acces D. Je suis d'une insécurité totale, ayant peur de me tromper de colonne ou de montant ou pire, d'oublier un compte. Je vois double et me dis que si j'étais ministre des finances, au moins on saurait pourquoi ça va mal. Y'a pire quand même. Faire les comptes avec sa blonde... les femmes sont à l'argent. Je me rappelle d'une ex avec qui on splittait l'épicerie en deux. Pendant des années, j'ai payé son esti de café... Mais pas question que mon déodorant à 3,63$ soit splitté en deux lui... pauvre déodorant, y'a même pas demandé de venir au monde et encore moins de visiter nos aisselles!

Ou bien la blonde qui, après un copieux repas au restaurant, a une soudaine envie d'aller aux toilettes au moment où la facture arrive. Moi, la plupart du temps, j'ai payé plus... pas parce que je suis galant mais parce que compter, les chiffres, ça m'énarve... J'achète donc souvent plus la paix avec moi-même qu'avec la douce.

L'anxiété se chiffre pour moi. Que ce soit en faisant un dépôt au guichet ou quand je remplis un billet de 6/49... je me sens ZÉRO ou bien DEUX de pique, TROIS de trèfle... mais somme toute, je n'ai rien des QUATRE as!

Peut-être bien que c'est pour ça que je suis seul. DEUX et c'est déjà trop pour moi. Trip à TROIS? Penses y même pas!

Bzzzzz! Bon! Mon cellulaire qui m'appelle. C'est un texto. Quoi? C'est Sophie! C'est son numéro! Ma Sophie! (Épisode Réseau Cons Tartes et suivants). Aurait-elle oublié nos différends? « Allo mon beau » Tabarnak! Est en forme! « On 5 à 7 ce soir? » - « Euh oui! Pub Galway? » - « Parfait Dan. J'ai tellement hâte de te voir! » - « xoxoxoxox » - « xoxoxoxoxoxoxoxoxox » OK Dan. Relaxe. Je ne me peux plus! Dans cette grisaille de novembre, c'est la meilleure chose qui pouvait m'arriver, c'est le soleil qu'on ne voit pas mais qui réchauffe les sens. Un « spouiche » de Hugo Boss et me voilà dans mon auto!

J'entre dans ce sympathique et authentique pub irlandais de la rue Cartier. J'y bois toujours de la Newcastle et y'a cette clientèle d'habitués avec qui il fait toujours bon jaser.

Ah oui, c'est vrai, la belle barmaid... Pocahontas en kilt! - « Comment va le beau Dan? » - « Super bien! J'ai une date avec une super fille! Je suis tellement content! » - « Ça fait longtemps qu'on t'a pas vu de même. On la connaît? » - « Ahhhh!;-) » lui dis-je sur un ton de devinette. C'est un peu décourageant de voir à quel point une femme peut propulser notre humeur dans une zone de confort qui frise l'inconscience. Enjoy pareil Dan!

Là, je vais boire modérément. Pas question que je fasse tout foirer comme la dernière fois. Ouin! Je vais faire mon indépendant. Pas question de lui lancer un « Je t'aime » ben pacté. On recommence à zéro Dan. Je serai le plus class! Sophie... ah Sophie! Née en 1984. 1+9+8+4 = 22. 2+2=...4!!!!! La stabilité! Sophie est ma stabilité!

Je regarde le match de foot à la télé quand deux mains venant de l'arrière se placent devant mes yeux. - « Coucou ti coco! » C'est qui ça calisse? Ça sent le vieux parfum de guidoune mélangé avec la chique de gomme bazooka qu'elle mâche bruyamment. Je me retourne. Ah, c'est Sonia. Une vendeuse Amway de 47 ans que j'ai rencontrée à plusieurs reprises dans des partys. À devait être belle mais là, comme dirait l'autre, le passé est passé. Y lui manque juste du maquillage perma... ah ben calvaire, elle en a! Est exactement comme un beigne fourré chez Dunkin Donuts, tsé celui-là avec la crème ben blanche, trop sucrée, pas mangeable...

Le Galway, c'est le spot à Sophie, c'est pour ça que j'y vais presque plus. Mais ce soir, tel le Christ qui rentre en vainqueur sous une pluie de rameaux à Jérusalem, je retrouverai mon Galway et ma dulcinée! Mais le Messie était à dos d'âne et mon âne là, c'est Sonia. « T'es toujours de plusse en plusse beau toé. Les cougars y sont dans le champs avec leux tits crisses de 20 ans. Y'en a des bens conservés tsé » me dit-elle à deux pouces de la face. D'habitude, c'est à la fin du 5 à 7 que le monde pue de la gueule, n'ayant que bu et pas ben ben soupé. Je pense que la Sonia, elle ferait pas long feu dans le « Waste management » À doit pas s'être passée la soie dentaire depuis son bal des finissants je crois... Je suis évidemment distant mais je suis le miel et elle, l'abeille. « Envoye! Déniaise! » me dit-elle en me poignant l'entrejambe sans ménagement. « Chu pas venue icitte pour rien » De quoi à parle? Osti! Sophie, c'est 2234... pas 2324! Ostie! J'ai une date avec Sonia! Les crisse de chiffres!!!!! Pocahontas à commence à catcher dans quel merde je me suis foutu.

J'essaie de me débattre du mieux que je peux... Crisse, elle a de l'écume de chaque côté de la bouche tel un chien enragé. - « Non Sonia! C'est un... un... malenten... » - « Ta gueule! Embrasse moé! » Est ben forte tabarnak! - « Heye! Lâche mon chum!!!! » Semblant venir de nulle part, cet avertissement providentiel a fait reculer la bisonne d'un mètre. On m'empoigne... c'est Pocahontas qui me donne, je crois, le french kiss le plus intense de toute ma vie. Sonia quitte en coup de vent en me traitant de tous les noms. Presbyte que je suis, je me recule d'une douzaine de pouces afin d'admirer celle qui m'a tiré du pétrin. Je pense pas que ç'ait été très forçant pour elle, depuis le temps qu'elle dit qu'elle aimerait ça un jour se taper un bonhomme... Je regarde ses yeux et tout juste à côté de son visage vers l'arrière, d'autres yeux, pleins d'eau. C'est Sophie! Elle s'approche... ça va pas ben là... - « Assez trou de cul pour me chanter la pomme, de jamais me rappeler, de se taper ma psy (épisode Family Freud) pis là, de venir m'écoeurer avec le staff du pub! » me dit Sophie en quittant violemment les lieux.

- « Bon, c'était drôle là Dan mais j'ai des clients à servir pis tsé, mon nouveau chum est le cook ici astheure » de dire Pocahontas...

J'ai jamais su compter mais avoir 3 fois son 4% en 5 minutes, c'est pas trop dur à comprendre.
- « Heu... c'est tu encore 2 pour 1? »

À plus!

Le Chien Perdu