Je ne sens plus mon corps. Tout est
noir. C'est tu ça la mort? M'en va tu voir Bouddha, Jésus ou ben le
Yiable? Stella, t'es où? Là, j'ai mal aux poignets pis ça sent le
calisse. J'ai mal aux chevilles aussi... Le bout du nez me pique mais
je peux pas me gratter esti! Heye là! Chu pas mort pantoute. Je
viens de me réveiller pis j'ai ben mal à tête. Y m'ont pas tiré,
seulement assommé je pense. Mais chu où? J'entends des pas. Ils
sont plusieurs. J'ai la chienne. « Enlevez lui cette cagoule »
Osti j'ai les yeux petits! Fait clair tout d'un coup. Des lampes
suspendues, une vieille cave humide et dans tout ce délabrement, des
souliers vernis se tiennent devant moi. « Ça fait un bout
qu'on t'a à l'oeil Moisan. Là, t'es allé un peu trop loin. »
Je connais cette face-là. C'est le gars là... osti! Yvon Dupras le
milliardaire.
Je viens de comprendre... - « Monsieur
Dupras, c'est pas ce que vous pensez... J'ai... j'ai pas couché
avec » BANG! Une claque s'à yeule...Ayoye calisse! C'est la
bague qui a fait le plus mal... est ben grosse...ah ben! Sur cette
dernière, je vois le logo des Fronts Massants, une société occulte
qui tenterait d'acheter les Coyotes de Phoenix. - « T'as
humilié les Dupras et tu m'as fait presque perdre un esti de contrat
avec Red Neck Oil Inc. du Texas. Ils exigent de traiter avec une
entreprise dont la famille est totalement hétéro et devant observer
les valeurs chrétiennes. T'as mis mon gars cocu pis en plus, ben
saoul, y s'est affiché avec sa grande folle en public. Ça fait la
une des journaux à matin. Si je perds la shot, t'es fait, c'tu
clair?»
- « Où est Anouk? » - « À
s'est sauvée la tabarnak mais à perd rien pour attendre »
Osti de 'date' réseauchosebine! J'aurais jamais dû la rencontrer.
Dire que je pourrais être avec Sophie sur une plage à Cuba ou ben à
Val d'Or avec Gisèle... Ben non! Me v'la condamné... si la tendance
se maintient. « On sait pas ce qu'on va faire de toi mais ça
sera pas beau...et ce, peu importe. » Là, je pense à Jacques
Parizeau pis j'me dis « Alors là, on fait quoi? » Pieds
et poings liés, je vois Dupras tourner les talons, entouré de ses
gorilles et dans son empressement, il trébuche, sa canne à pommeau
d'or fracassant le sol. Mais c'est pas ça qui me frappe. Pendant que
les bouncers sont fascinés par le précieux métal, moi j'apercois
le bas de pantalon du richissimme qui remonte et qui laisse entrevoir
un bas de nylon noir... Étrange... Je dois halluciner... La porte se
referme. Je suis seul.
Ouf! Me voilà détaché! Mais avec la
mafia, la liberté est un concept bien relatif. Ficellé ou pas, si y
veulent ta peau, y se gêneront pas... Ils vont t'avoir. Évidemment,
avec moi immobilisé, personne n'a pris soin de verrouiller la porte.
On sort et nous voilà dans une pièce plus grande où j'aperçois
une poche de ciment, un petit bac de bois...assez grand pour mes
pieds, des chaînes et un sleeping bag... Là, je file pas ben
pantoute... Y niaisaient pas les matamores. Arrivés en haut, on voit
2 gorilles à l'extérieur qui gardent l'avant. - « On est où »
chuchotai-je. - « Dans une bâtisse désafectée de
l'Anse-au-Foulon. On va passer par derrière et marcher environ 200
mètres. Choupette, ma New Beetle rose est là. »
'Relax! Don't Do It!'... Esti, Du
Frankie Goes to Hollywood dans le piton pendant que moi chu allongé
sur la banquette arrière. « Je comprends pas, y'a juste un
garde en avant » de dire Maxens « Ok c'est beau, tu peux
te relever chéri! » J'ai pas commencé mon ascension que...
ben oui! BANG! La vitre arrière vole en éclat. « Hé Sainte!
Y nous tirent dessus! » de s'écrier en pleurant Maxens qui
avait l'opération évasion un peu trop facile jusqu'à maintenant.
Courageux, il appuie sur l'accélérateur vigoureusement jusqu'à la
côte de L'Église. La Audi noire des poursuivants s'approche
dangereusement... disons que dans une côte, la coccinelle ne fait
pas le poids.
Nous voilà sur Maguire et nous
essuyons encore une salve de coups de feu. C'est la panique totale
dans la rue. Tout ce que j'ai pour répliquer, c'est un lait de soya
frappé fraises et bananes qui trône dans le porte-verre. Je le
lance par la fenêtre et... SPLASH! L'épais goudron rosé bloque la
vue de nos poursuivants jusqu'à les faire emboutir une borne
fontaine... tout juste devant une auto-patrouille qui passait par là.
« Dan, appelle Anouk! »
Elle a le regard triste car il n'y a
pas que la conférence de presse au menu. Le président de Red Neck
Oil est aussi venu assister au... mariage de Cédric qui sera célébré
par un curé soudoyé, proche des Dupras dans l'église
Saint-Dominique, tout juste à côté du musée du Québec où aura
lieu l'annonce de la construction du pipeline pétrolier reliant
Houston à la belle province. Elle s'est fait promettre la vie sauve
et peut-être, ma libération si elle se plie aux désirs de Dupras.
Cédric n'ose pas lui parler tant il se sent coupable de tout ce qui
arrive. Le portable de la belle rouquine sonne... - « Anouk,
c'est Dan! » Des larmes de joie innondent ses yeux. - « Dan!
Maxens t'a trouvé? T'es tu correct? C'est pas drôle être victime
d'UNE enlèvement! » - « Écoute moi bien Anouk... j'ai
un plan. Ça te prendra aussi des ciseaux... » Elle est
sceptique mais accepte de jouer le jeu. « Maxens, on appelle
le 911 et direction musée du Québec! » L'heure de la
vengeance a sonné.
- « Hum... Merci d'être venus en
si grand nombre chers amis des médias. Thank you for being with us
dear chairman of Red Neck Oil, Mr. Kevin K. Keystone. » Dupras
a commencé son allocution, toujours aussi imbu de lui même. Il est
accompagné sur la tribune par le président de Red Neck Oil, le
Premier Ministre, Cédric, Anouk et le curé. « L'approvisionnement
en ressources énergétiques est devenu essentiel pour le Québec de
demain. Grâce à notre méga-projet de pipeline, les hydrocarbures
américains seront plus accessibles et cela nous permettra d'offrir
un produit raffiné à un coût moindre tout en... » Il vient
de m'apercevoir au fond de la salle et là, c'est lui qui file pas.
Moi, je souris;-) « Attention! Cet homme est dangereux!
Emparez-vous de lui! » de dire le milliardaire en me pointant
du doigt. Osti! Pense Bonne est là, elle me regarde et pouffe
littéralement de rire... - « Dangereux? Ce pauvre troude
c... » BANG! Un gorille vient de faire revoler la prétentieuse
journaliste qui a les quatre fers en l'air. Je crois que le fier à
bras aurait dû enlever ses lunettes fumées car il semble pas avoir
vu les six agents de police derrière moi... ah... là, il les a vu
pis y revire de bord LOL!
C'est maintenant clair dans la tête de
Cédric. Le départ de sa mère avec fracas dans sa jeune enfance,
son éternel goût pour les bas nylons...son premier vrai fantasme
était d'ailleurs un voleur masqué par un Dim couleur peau dans un
film LOL! Il est heureux! Il n'est pas déviant...ben du moins, pas
seul à l'être! - « Papa, moi, je suis fier de toi et fier de
ce que tu es, de ce que tu as a été et de ce que tu seras! »
- « Je t'aime mon fils! » Les deux hommes se serrent dans
les bras dans le cadre d'une réconciliation pour le moins
inusitée... sous le regard de Maxens en larmes et du, tiens donc,
chauffeur de Dupras tout aussi pleurnichard...
Tant qu'à y être, je cours et je
monte sur la scène. Anouk et moi, on se regarde, je la prends par la
main et on sort de la salle en courant sous le regard médusé de
Pense Bonne qui me croyait pas capable d'en pogner une plus belle
qu'elle. On la regarde et on rit. Je sens qu'elle va m'aimer encore
plus LOL! Rendus dehors, j'aborde le premier taxi qui passe. - « Mon
ami, à l'hôtel! Pis n'importe lequel! » - « Non
Dan, 'n'importe LAQUELLE' ...on dit UNE hôtel! »
À plus!
Le Chien Perdu