mardi 27 novembre 2012

La numérologie


69. Quand je disais à mes amis mon année de naissance, dès l'adolescence, j'avais l'impression d'être affranchi, d'être plus déluré que les autres. Hormis l'inévitable position sexuelle, le 69 représentait l'apogée du peace and love, de l'amour libre, de l'âge d'or du sexe sans souci. Les 68 étaient des révolutionnaires et les 70, des lendemains de veille en crise... 1969, c'était le top, point! Une fille que j'avais connue dans un bar m'avait fait mon profil numérologique par rapport à mon année de naissance. Je lui avais fait croire que ça m'intéressait... la baiser m'intéressait en fait!

« Dan, 1+9+6+9=25. 2+5=7. Le 7 est le chiffre de la totalité, de la chance et de l'accomplissement. » Donc, je devrais la baiser si tout va bien? « Daniel, 6 lettres. 6+7=13. 1+3=4 » Oui!!!! à 4 pattes! Yes!!! « Le 4 est l'indice de la stabilité. Donc tu devras rechercher la stabilité dans sa totalité » Je l'ai évidemment pas baisée car elle s'est mise à me parler de ses chacras qui étaient en baisse les 8 du mois et qu'elle avait tendance à s'amouracher des 7... donc pas de position stable avec elle...

J'ai sûrement souffert d'un déficit d'attention quelconque car plus que 10 chiffres sur une feuille et me voilà perdu comme un ours polaire en pleine forêt amazonienne. C'est la redoutable journée aujourd'hui. Celle des comptes. Celle où je dois tout démêler sur Acces D. Je suis d'une insécurité totale, ayant peur de me tromper de colonne ou de montant ou pire, d'oublier un compte. Je vois double et me dis que si j'étais ministre des finances, au moins on saurait pourquoi ça va mal. Y'a pire quand même. Faire les comptes avec sa blonde... les femmes sont à l'argent. Je me rappelle d'une ex avec qui on splittait l'épicerie en deux. Pendant des années, j'ai payé son esti de café... Mais pas question que mon déodorant à 3,63$ soit splitté en deux lui... pauvre déodorant, y'a même pas demandé de venir au monde et encore moins de visiter nos aisselles!

Ou bien la blonde qui, après un copieux repas au restaurant, a une soudaine envie d'aller aux toilettes au moment où la facture arrive. Moi, la plupart du temps, j'ai payé plus... pas parce que je suis galant mais parce que compter, les chiffres, ça m'énarve... J'achète donc souvent plus la paix avec moi-même qu'avec la douce.

L'anxiété se chiffre pour moi. Que ce soit en faisant un dépôt au guichet ou quand je remplis un billet de 6/49... je me sens ZÉRO ou bien DEUX de pique, TROIS de trèfle... mais somme toute, je n'ai rien des QUATRE as!

Peut-être bien que c'est pour ça que je suis seul. DEUX et c'est déjà trop pour moi. Trip à TROIS? Penses y même pas!

Bzzzzz! Bon! Mon cellulaire qui m'appelle. C'est un texto. Quoi? C'est Sophie! C'est son numéro! Ma Sophie! (Épisode Réseau Cons Tartes et suivants). Aurait-elle oublié nos différends? « Allo mon beau » Tabarnak! Est en forme! « On 5 à 7 ce soir? » - « Euh oui! Pub Galway? » - « Parfait Dan. J'ai tellement hâte de te voir! » - « xoxoxoxox » - « xoxoxoxoxoxoxoxoxox » OK Dan. Relaxe. Je ne me peux plus! Dans cette grisaille de novembre, c'est la meilleure chose qui pouvait m'arriver, c'est le soleil qu'on ne voit pas mais qui réchauffe les sens. Un « spouiche » de Hugo Boss et me voilà dans mon auto!

J'entre dans ce sympathique et authentique pub irlandais de la rue Cartier. J'y bois toujours de la Newcastle et y'a cette clientèle d'habitués avec qui il fait toujours bon jaser.

Ah oui, c'est vrai, la belle barmaid... Pocahontas en kilt! - « Comment va le beau Dan? » - « Super bien! J'ai une date avec une super fille! Je suis tellement content! » - « Ça fait longtemps qu'on t'a pas vu de même. On la connaît? » - « Ahhhh!;-) » lui dis-je sur un ton de devinette. C'est un peu décourageant de voir à quel point une femme peut propulser notre humeur dans une zone de confort qui frise l'inconscience. Enjoy pareil Dan!

Là, je vais boire modérément. Pas question que je fasse tout foirer comme la dernière fois. Ouin! Je vais faire mon indépendant. Pas question de lui lancer un « Je t'aime » ben pacté. On recommence à zéro Dan. Je serai le plus class! Sophie... ah Sophie! Née en 1984. 1+9+8+4 = 22. 2+2=...4!!!!! La stabilité! Sophie est ma stabilité!

Je regarde le match de foot à la télé quand deux mains venant de l'arrière se placent devant mes yeux. - « Coucou ti coco! » C'est qui ça calisse? Ça sent le vieux parfum de guidoune mélangé avec la chique de gomme bazooka qu'elle mâche bruyamment. Je me retourne. Ah, c'est Sonia. Une vendeuse Amway de 47 ans que j'ai rencontrée à plusieurs reprises dans des partys. À devait être belle mais là, comme dirait l'autre, le passé est passé. Y lui manque juste du maquillage perma... ah ben calvaire, elle en a! Est exactement comme un beigne fourré chez Dunkin Donuts, tsé celui-là avec la crème ben blanche, trop sucrée, pas mangeable...

Le Galway, c'est le spot à Sophie, c'est pour ça que j'y vais presque plus. Mais ce soir, tel le Christ qui rentre en vainqueur sous une pluie de rameaux à Jérusalem, je retrouverai mon Galway et ma dulcinée! Mais le Messie était à dos d'âne et mon âne là, c'est Sonia. « T'es toujours de plusse en plusse beau toé. Les cougars y sont dans le champs avec leux tits crisses de 20 ans. Y'en a des bens conservés tsé » me dit-elle à deux pouces de la face. D'habitude, c'est à la fin du 5 à 7 que le monde pue de la gueule, n'ayant que bu et pas ben ben soupé. Je pense que la Sonia, elle ferait pas long feu dans le « Waste management » À doit pas s'être passée la soie dentaire depuis son bal des finissants je crois... Je suis évidemment distant mais je suis le miel et elle, l'abeille. « Envoye! Déniaise! » me dit-elle en me poignant l'entrejambe sans ménagement. « Chu pas venue icitte pour rien » De quoi à parle? Osti! Sophie, c'est 2234... pas 2324! Ostie! J'ai une date avec Sonia! Les crisse de chiffres!!!!! Pocahontas à commence à catcher dans quel merde je me suis foutu.

J'essaie de me débattre du mieux que je peux... Crisse, elle a de l'écume de chaque côté de la bouche tel un chien enragé. - « Non Sonia! C'est un... un... malenten... » - « Ta gueule! Embrasse moé! » Est ben forte tabarnak! - « Heye! Lâche mon chum!!!! » Semblant venir de nulle part, cet avertissement providentiel a fait reculer la bisonne d'un mètre. On m'empoigne... c'est Pocahontas qui me donne, je crois, le french kiss le plus intense de toute ma vie. Sonia quitte en coup de vent en me traitant de tous les noms. Presbyte que je suis, je me recule d'une douzaine de pouces afin d'admirer celle qui m'a tiré du pétrin. Je pense pas que ç'ait été très forçant pour elle, depuis le temps qu'elle dit qu'elle aimerait ça un jour se taper un bonhomme... Je regarde ses yeux et tout juste à côté de son visage vers l'arrière, d'autres yeux, pleins d'eau. C'est Sophie! Elle s'approche... ça va pas ben là... - « Assez trou de cul pour me chanter la pomme, de jamais me rappeler, de se taper ma psy (épisode Family Freud) pis là, de venir m'écoeurer avec le staff du pub! » me dit Sophie en quittant violemment les lieux.

- « Bon, c'était drôle là Dan mais j'ai des clients à servir pis tsé, mon nouveau chum est le cook ici astheure » de dire Pocahontas...

J'ai jamais su compter mais avoir 3 fois son 4% en 5 minutes, c'est pas trop dur à comprendre.
- « Heu... c'est tu encore 2 pour 1? »

À plus!

Le Chien Perdu




samedi 17 novembre 2012

Égocentraide


Dimanche matin... le lever du corps est dur ! Pas de grasse matinée pour Dan puisque j'ai promis d'aller à un déjeuner bénéfice pour mon amie Chantal. C'est tranquille ce weekend... Il a fait très froid cette nuit et, en prenant mon jus d'orange, je pense à ceux dont c'est dehors la maison. Des chiens plus que perdus, dépressifs, désinstitutionnalisés ou tout simplement démotivés. La semaine dernière, en allant au bureau de poste sur Saint-Joseph, je croise cet homme d'une soixantaine d'années, infirme, qui se tient debout sous le porche des immeubles ou bien sur le trottoir. Il a une chaîne dans la main et a l'air de réciter un chapelet. Nos regards se croisent et il sort momentanément de son mantra pour me dire « Bonne chance ». Ça me touche car ma pire des malchances de jeune bourgeois est cent fois mieux que la meilleure de ses chances. Je décide d'aller lui acheter un café.

Je ne bois pas de café et chaque endroit, que ce soit Tim, Starbucks ou la brûlerie du coin, semble avoir son rituel que j'ignore. Certains offrent le self-service, les autres nous préparent tout. Le gars me donne un verre et je le regarde comme un débile léger qui attend la suite, incapable de quelque proaction. -  « Euh, je ne bois pas de café, c'est pour quelqu'un... » Crisse, on dirait que j'achète des condoms ou bien un onguent gênant genre un traitement pour les poux. Le jeune commis qui semble avoir sa journée dans le corps, me montre impatiemment les distributrices. Mais crisse! Y'a 8 sortes esti! Capuccino, latté, régulier, corsé, cosci, corça!!! Il me pointe un compromis mais j'appuie moi-même sur le bouton, question de ne pas me laisser infantiliser davantage. Mais le sans abri, y prend tu du sucre, du lait? Je me surprends à avoir une pensée méprisante d'aisé qui se dit que le pauvre homme aura le café qu'il aura... Dan! Comment oses tu? OK, je vais lui offrir un super café. Je mets un peu de sucre, de la crème et tiens donc, du chocolat en poudre, genre, dans un truc en métal. Je saupoudre fièrement et hume ce... crisse de tabarnak! C'était de la cannelle... calisse... Je prends le guess d'y aller comme ça, pas parce que je suis gratteux mais parce que le gars du café, j'y aime pas la face et je crois que lui, aime encore moins la mienne.

Je marche avec des sentiments mixtes. Celui de la fierté d'aider quelqu'un et celui de pas trop vouloir que ça paraisse car tsé, chu pas en campagne électorale esti. Maudite affaire! Je le trouve plus. Je marche, un café à la main et j'ai le sentiment d'avoir un corps étranger... Quel con. Ah le voilà! Il était caché dans une de ces minuscule entrées d'immeuble où il fait si bon se réfugier lorsque la pluie bat violemment sur le bitume. Je lui remets le café et il sourit, tout gêné. Je ne m'attarde pas et en me retournant, mon regard croise celui d'une jolie mais foutue pétasse qui me dévisage d'un air snob et condescendant avec un fond de surprise. Ben oui, belle nouille, des sans-abris... jamais vu un être humain normal interagir avec eux? Sors de ton cottage à Sillery...

Donc, dimanche matin et je suis sous la douche... ah pis j'ai fait ma moumoune cette semaine. J'ai acheté du Dove Men Care. Ouin... du gel douche pour homme... assez fort pour elle mais con comme lui ;-) J'avoue qu'il y a une certaine sensation de compensation à s'acheter des trucs pour soi et je comprends que cette industrie du cosmétique soit si lucrative. Soyez bien dans votre peau! Parce que je le vaux bien! Allez-y, gâtez-vous! Non, ça c'est de la poutine... LOL! Bon, trève de réflexion sur les attentions « à moi de moi », v'là que le moi, y va être en retard.

Le parking est bondé. Ça pogne les déjeuners bénéfices. Pis d'habitude, c'est riche et gras comme menu... comme quoi notre écart culinaire se justifie et se déculpabilise par notre philantropie humanitaire. Y'a une méchante file pis chu gêné un peu, étant seul. Je regarde personne. Juste un endroit où je pourrai m'installer, une fois servi. Bon, je vois des jeunes familles. Eux, y me font chier en tabarnak. Y'ont leurs bébés tout le temps, y sont en couples pis y'ont l'air de se taper sur les nerfs. Y'ont rien compris et dans la vie, quand tu comprends, habituellement, y'est trop tard. Si tu veux savoir la valeur absolue de quelque chose, demande toi si t'as besoin de prendre une bière avec. « Ah, j'ai la garde de mes enfants ce soir, je m'achète une douze » Tu vois ben que ça marche pas. La famille, c'est tout ce qui compte vraiment. C'est la seule façon d'être vraiment « high » tout en étant à jeûn. Je m'ennuie du braillage, de mon bébé qui dégueule en plein milieu du centre d'achat, d'attendre comme une dinde dans la file au Mégaparc... Mais quand on le vit, on pense que c'est pour toujours, on est impatient, on s'emmerde... on est con. Mon royaume pour une couche pleine dans l'autobus!

- « Heye, avance! » Je me retourne et ne vois personne... Non! une grand-mère de 4 pieds 5 vient de me donner un coup de canne. Ne jamais contrarier une femme qui a faim... en fait, ne jamais contrarier une femme tout court. - « Pardon madame, voulez-vous passer avant moi? » Elle accepte l'offre mais tout son esti de club de l'âge d'or en profite... 12 à passer devant moi. J'aime mon amie Chantal mais là, y'a des limites! Pourquoi pas 2 œufs Mc Muffin dans le char? Non, reste Dan. Mais y'a pas grand chicks icitte...

Pourquoi? Comment ça? Kossé que j'câlisse ici?

Bon! Ç't'à mon tour. Je prends mon cabaret... - « Vous voulez vous tu du bacon? » me dit l'espèce de calleuse de bingo qui a l'air d'avoir un fun noir à déposer ces pauvres tranches de gras trans dans nos assiettes en styrofoam. - « des œufs? » La voix est différente, les yeux aussi. Je la connais elle. « Pis un petit café avec ça? » me dit-elle, le sourire en coin. Osti! La péteuse de la rue St-Joseph... est tu en pénitence? « Tu as posé un beau geste la semaine dernière. Il est rare de voir des gens faire ce que tu as fait pour ce vieil homme. Je m'appelle Isabelle. » -  « Moi c'est euh... Dan! » de lui répondre le mâle en ruth que je suis devenu tout à coup. Est chick à mort! Si playboy faisait un spécial bénévolat, elle ferait la page centrale.

Évidemment, après le service, elle vient me parler. On jase. Isabelle est membre du personnel d'un centre pour sans abris de Québec. Une fille de contenu et de causes! Je lui sort le baratin de l'alter-mondialiste indigné... sérieux, faut que je la pogne! Mais chu un gars de valeurs... Arrêtez de penser que je veux juste la... Oh! Ma chum Chantal qui arrive. - « Daaaaaaaaaniel!!!! » Ça, ça vaut 1 million de dollars! « Isabelle, je te présente mon ami Dan. Un gars exceptionnel, formidable, généreux et WOW! » Écoute, après ça j'ai juste à me pavaner pis à va me sauter dessus! Elle me regarde avec ces yeux... ceux qui nous admirent, qui nous placent plus haut que haut... ceux qui nous ouvrent leur moelleuse couette en duvet!

- « Aimerais tu aller prendre un café? J'aimerais te connaître davantage » Merci Chantal!!!!!! On se donne déjà rendez-vous. Une chick comme ça, c'est comme le titre d'Apple à la bourse. Take the money and run!!! Pis Isabelle, elle m'en fera courir un coup je pense...

Les premières rencontres se déroulent sans anicroches. Je sais que cette chick est une long shot. On baisera pas tout de suite mais elle en vaut la peine. Osti, en plus, elle aime Woody Allen. Je suis comblé!!!

- «Dan, on pourra pas se voir ce samedi. Je suis en rencontre avec 3 sans abris. Je leur apprends à sortir raisonnablement, à prendre soin d'eux... mais dis donc, voudrais tu les rencontrer? » me dit-elle avec le ton de la fille accro au point de passer le reste de ses jour avec sa nouvelle flamme. J'accepte avec plaisir. Je me sens utile, je veux changer le monde, le débarrasser de ses préjugés... I have a dream calisse!!!! On se donne donc rendez-vous au bar Le Dauphin sur la rue du Pont, la ruche des vrais brosseux à Québec.

13 heures tapant et me voilà entré dans cet univers unique où les tables sont déjà inondées de grosses bières et où, malgré que depuis des années, on ne peut plus fumer dans les bars, les murs sont imprégnés d'une odeur de tabac qu'aucun produit, si puissant soit-il, ne pourrait chasser. Dans cette jungle de désespoir, un regard passionné me pointe. Elle est là, assise à discuter avec 3 hommes dans la cinquantaine. - « Dan, je te présente Roger, Serge et Gaetan » - « Salut man! » de me dire à l'unisson les 3 SDF. - « Bonjour à vous, mes champions! » Bon... Je pense que j'en ai mis un peu là. Je me rappelle de ce qu'Isabelle m'a dit - « Surtout pas de condescendance. On se met à leur niveau, à leur écoute. On va sur leur terrain. C'est la seule façon de les emmener sur le nôtre » - « Oh, euh... Yeah Man! » dis-je en leur donnant chacun une poignée de main de motté. Je pense qu'ils m'aiment bien.

Soudainement, on entend un « BIP! » C'est le téléavertisseur d'Isabelle. - « J'ai un bénéficiaire en crise. Je dois m'absenter un moment. Désolé les gars » - « Isabelle, si tu veux, je peux rester et on t'attendra » - « Wow! Tu ferais ça? T'es ben fin! » Elle membrasse et je lui chuchotte à l'oreille - « T'inquiètes, à leur niveau et à leur écoute » Je reçois un baiser qui en dit long sur ce que sera ma soirée et peut-être bien ma nuit!

Y'a un organiste qui chante avec un petit beat de drum cheap. Y joue un cha cha, un continental, un country, un disco. Le monde est sur le party.

- « Isa à nous a dit que tu jouais dans UNE orchessse. T'es tu guitarissse ou ben bâssissse? » de demander Roger. - « Chu euh... bassiste, euh bâssissse! » - « Moué, j'étas cé bateaux. La compagnie a faite faillite ça fa 10 ans pis là, ben, ma femme à m'a câlissé là, ma fille me parle pus... » Osti, c'est toffe. Je veux les réconforter. Les 3 ont une histoire de fou, des drames qu'ils n'ont pu gérer. Je leur paye une bière... - « Toé t'es t'un chum »... C'était tu une bonne idée de laisser ma carte de crédit au bar? En tout cas, on a du fun! Pas de condescendance, je me mets – hips! - à leur niveau...

Ça fait 3 grosses chaque qu'on boit pis je m'en viens pas mal gorlot. Là, le chanteur prend la parole. - « On a une vedette lôcale icitte, y s'appelle Dan! Pis le nom de son orchesse, c'est Maskinongé! Viens nous pousser une toune! » Calvaire! Pourquoi chu une célébrité tout le temps quand ça compte pas? Ça applaudit, ça crie. Je me lève et monte sur la minuscule scène chambranlante. Même les hypnotisés des machines à poker prennent 2 secondes pour me regarder. Bon, j'ai 4 grosses bières de prises... Y part « Laisse moi t'aimer » Ah ben, y'a une boule miroir mais une chance, pas d'ours! (épisode BrokeTrapp Mountain) Y'a deux madames qui me déshabillent des yeux. Mal maquillées avec les deux un top en léopard moulant qui retient de toute évidence des seins qui ont perdu la bataille de la gravité.

- « Enweye! UN autre chanson » Je suis la vedette de l'après-midi. Mais là, j'ai fait « Monsieur Cannibale », « La dame en bleu », « Dans ma camaro ». - « Fa nous une toune de Roye Ongrisson » Roy Orbison est bien le seul artiste que ses fans sont incapables de nommer correctement au Québec. Je pars « You Got It » Osti, je reçois une paire de bobettes dans face... léopard comme le reste... Mais chu responsable car je jette un œil sur mes... Crisse! Y'a au moins 20 bouteilles sur leur table... 2 dorment pis l'autre vomit à coté de sa chaise... Je descend de scène ou plutôt pique une esti de débarque... Pis c'est pas comme les show où on fait du body surfing BANG! À terre. La grosse me saute dessus. « T'é ti correct mon beau? J'pense que ça va y prende e'l bouche à bouche » Je vois sa grosse face poudrée s'approcher aaaark!!!!!!! - « ÇA SUFFIT!!!!! »

C'est Isabelle. Tout le monde est arrêté. On a tous peur un peu mais moi un peu plus... « Je te confie des gens 2 heures et c'est tout ce que tu trouves à faire? Les saouler et t'envoyer la première venue? » M'envoyer quoi?... ah c'est vrai, la bonnefemme sur moi. À se lève en ramassant ses bobettes à terre... c'est vraiment chic.

- « Isabelle, c'est pas totalement ce que tu crois, je... tsé je... » - « Va te faire foutre! Trouduc. Et vous 3, vous vous trouverez quelqu'un d'autre! »

Ça fait maintenant un mois de ça. Roger, Serge et Gaetan on des emplois et vivent en colocs dans un 5 et demi à Limoilou. Je m'en suis occupé pis les jeudis à 5 heures, on se voit au Dauphin mais on boit de la .5. J'ai longtemps espéré qu'Isabelle voit le résultat de mon rachat mais elle a changé de domaine. Est rendue représentante Tupperware pis ma chum Chantal, ben à me parle plus...

Mais j'ai pas tout perdu. On m'a déclaré grand vainqueur du concours d'imitation de Sacha Distel et je dois justement vous laisser car je dois aller leur chanter « Où sont passé les tuyaux... »

À plus!

Le Chien Perdu












jeudi 8 novembre 2012

Passez aux Salons


La télé est allumée ce soir. C'est rare. Très rare. Y'a une entrevue aux Francs-Tireurs avec Barbara Kay, columniste au National Post. Martineau s'excite sur Facebook en disant que j'en reviendrai pas. Je fais donc entorse à mon habituel vagabondage sur ma guitare ou mon ordi et j'allume « MA grosse écran » comme dirait Anouk. Je sais pas ce qu'elle devient Anouk (épisode Réseau Cons Tartes)... ma belle rousse pas de culture...

Parlant de culture, c'est Voir.tv à Télé Québec. L'espèce de pinson d'animateur qui ressemble à un mélange de Pierre Lapointe et de Brad de « Dans une Galaxie Près de Chez Vous » se branle, assis dans un salon avec 2 chroniqueurs. On parle cinoche avec la sosie de Marie-Claire Séguin et son straight man... qui a l'air de tout sauf d'un straight. Ça parle du dernier James Bond. Les deux colonisés finis prenant la peine, d'entrée de jeu de dire – question de sauver leur réputation d'intellectuels nombrillistes du plateau – qu'ils ne sont pas des fans de l'agent 007. C'est hallucinant. J'ai toujours cru que le but d'une branlette était d'aboutir promptement et efficacement mais je me rends compte que chez d'autres, le voyage est beaucoup plus gratifiant que la destination. Donc ça se branle, ça change de main, ça se branle, ça rechange de main... ça finit pu calisse. Ont-ils aimé? Oui mais genre, si on est quelqu'un qui aime le genre. Haaaa pis ta yeule!!!!!!!!!!!!! en fait, VOS YEULES!!!!!!!!!!!!!

Ce qui est formidable dans la vie, c'est que toute chose, bonne ou pas, a une fin. Pinson dit bye bye pis là, c'est l'apocalypse aux Francs-Tireurs. Barbara Kay, une vieille anglaise du West Island nous parle de sa paranoïa de parler anglais en public à Montréal. Quel moment inutile... j'aimais quasiment mieux les branleurs de tantôt tant c'est une entrevue prévisible comme un coucher de soleil. C'est comme s'étonner d'entendre Justin Trudeau nous dire qu'un Québécois, c'est fait pour être mis au pas. Come on Richard! Je l'aime bien lui donc je passe l'éponge. Mais, assis dans mon salon, je ne sais trop que faire de ma vieille peau de castor. J'avais misé mes jetons sur une soirée télé pénarde sur le canapé avec mon zoo en guise d'accompagnement. Faudrait vraiment que je fasse les griffes à Baklava. J'ai l'air d'un gars qui sert de cobaye à des étudiants en accupuncture... percé, griffé, décalissé...

J'aime bien Les Salons d'Edgar, un des endroits les plus cool sur terre. Je m'y rends, trop pathétique pour assumer ma solitude seul chez moi. Non mais crisse, on peut tu aimer ça un peu d'action et des possibilités?

J'arrive et m'asseois au bar.

Ici, c'est différent car y'a de la chick intelligente. C'est rare. Sur Grande-Allée, y'a en masse de chicks pis sur St-Jean, y'a de l'intelligente. Les Salons d'Edgar est cette rare ruche qui combine les croisées... C'est aussi l'endroit de choix pour une première « date ». Tu fais ton smatt en invitant la fille ici... c'est comme avoir un diplôme par correspondance de l'université en ligne de Pheoenix. C'est comme dire Woody Allen dans n'importe quelle conversation. Ça engage à rien mais on a l'air érudit.

Mais t'aborde pas n'importe qui n'importe comment ici. « Salut, kossé tu manges pour être belle de même? » ça vaut pas 2 sous. Ici, c'est comme jouer à Angry Birds... tu reviens, pis tu reviens, pis tu reviens, pis elle a pas l'air d'avoir un chum, pis tu reviens, ah pis crisse, elle a un chum! Non y'est gai, tu reviens, oups! Nos regards se sont croisés et elle m'a souri! Tu reviens..... Bla bla bla! En résumé, c'est compliqué mais comme dirait Pierre Curzi « Me faire masturber en me faisant parler de l'an 1000 », ça n'a pas de prix. Pour le reste, il y a le Dagobert LOL!

C'est le fun car il y a Le Devoir ici. Une autre facade efficace pour pogner la IQ Chick. Mais j'aime beaucoup Le Devoir. À peu près 30 pages pis tu sais tout ce que tu as à savoir.

Y'a une belle pitoune – que dis-je? - une jolie trentenaire qui sirotte sa bière de micro-brasserie à 6 pieds de moi. Une chance qu'un journal a une page de gauche car j'en profite pour la reluquer. Est pas cave mais en même temps, elle peut pas totalement dire que je la spotte. Ah! Le suspens d'un premier contact! Nos regards se croisent. Elle me fait un de ces sourires! Bon, c'est sûr qu'à me regarder de même elle a un problème. MTS? Vengeance envers le conjoint avec qui elle s'est engueulé plus tôt aujourd'hui? Elle m'intrigue et j'ai le gros bout du bâton car elle a baissé sa garde en premier. Je lui fait le sourire que Bernard Derome faisait à la fin du téléjournal. Un smile, mais chu occupé et important tsé? Une face de cul mais qui sourit... a smiling ass! Ça a pas l'air de la déranger.

Elle lit un bouquin. Elle se tape « The Complete Prose Of Woody Allen ». Tabarnak, à jase elle! Pas le choix, je souris. Une bilingue, c'est cool. Parle moi pas d'une non assimilée qui se tape des films doublés par Yves Corbeil... Dans ces cas là, elle a besoin d'être coch... en maudit... Dan! Resaisis toi!

Elle a une pureté dans le regard. Elle s'approche et me griffonne un mot... Une chance qu'on est pas au Vendredi 13, elle m'aurait téléphoné LOL!!!! « Salut, je m'appelle Stéphanie. Je suis sourde-muette. Et toi? » Moi? Chu flagerblasté ben raide! Pis con, évidemment... -  « Salut! Moi c'est Dan et je ne suis pas » Ah! Crisse de cave!!! Elle éclate de rire. Je ris aussi. Je lui paye une bière. - « Tu fais quoi dans la vie? » Osti... bon. - « Musicien et Auteur!!!! » Musicien, ça lui dira pas grand chose... - « cool ça! » Ha ben! Elle m'aime pareil!

On jase de même tout au long de la soirée, troquant le stylo et la serviette de table pour nos Iphones. Elle est parfaite! « Chez toi ou chez moi? » Par écrit, c'est capoté! J'ai l'impression d'être un poisson dans son bocal. Un Beta qui ne peut vivre que seul. Je cruise l'aquarium d'à côté, comme si ce rapport, sans sons ni contacts directs était vertueux, au-delà des considérations corporelles ou matérielles. Je me sens comme quand on cruise sur réseauchosebine.com sans avoir vu la fille en question. Je lui réponds - « Pas ce soir, mais tu peux venir chez moi ». J'ai pas envie de baiser, j'ai envie de... Ah ben crisse! Me v'là rendu comme le pinson de Voir.tv... me branler sans viendre! Oui mais moi... moi euh... moi je... Ta yeule Dan!

Comme les deux poissons, on est chacun dans notre bocal à 4 roues pour se rendre chez moi. Elle a une petite Fiat 500 et moi mon gros Escape de gars;-) Je lui mime un chien pour l'avertir que le clébard va s'époumonner à japper après. Elle rit de me voir imiter un chien. Elle est superbe. J'ai envie de lui dire « Je t'aime » mais ce serait tôt et con.... je vous l'ai tu dis que Dan c't'un... Non Dan! Ali s'en donne à cœur joie et elle ne bronche pas. Elle se tient un peu derrière moi pour se protéger et elle... me serre le bras... je craque calisse! Je lui mime une bière et lui fais signe de passer au salon. Je suis dans la cuisine et prépare les verres... je pète bruyamment! C'est génial ça! Pas de conséquences LOL! J'arrive au salon et offre le verre à cet ange qui illumine ma maison. On a parlé ou plutôt s'est écrit de tout, du Big Bang à Robert Lepage, en passant par Guy Mongrain. Je me crisse de ses boules, qu'elle baise bien ou pas, je suis en amour comme je ne l'ai jamais été.

Il se fait tard. - « J'aimerais que tu me joues de la guitare » Je la regarde, amusé. Je suis assis dans mon lit, elle a son corps sur mes jambes et la tête collée sur la caisse de résonance de mon instrument. On vibre ensemble! Les aquariums sont rompus. Notre eau ne fait qu'une. Je caresse ses cheveux et elle s'endort. Je la suis de pas très loin...

J'ouvre les yeux. Ma guitare est là, le soleil entre par les stores que j'ai omis de fermer et elle n'est plus là. Ai-je rêvé? Je n'en sais rien. Je reçois un texto. « Bravo! Vous avez une note parfaite! Ici Stéphanie... » Mon cœur bat la chamade! « Désolé de vous l'annoncer si froidement mais je ne suis ni sourde, ni muette. Simplement une étudiante en anthropologie qui doit faire une étude sur le comportement des hommes en l'absence du dialogue audible. Vous avez été un candidat de choix et je peux enfin remettre ce travail qui a nécessité des mois de recherche. Vous êtes cependant l'exception qui confirme la règle. Votre comportement m'empêche de tirer une conclusion sans équivoque sur l'attitude du mâle en l'absence de sons... habituellement, la queue prend le relais;-) Vous, ce fut votre guitare... Que voulez vous qu'une sourde fasse d'un musicien? Mais tombeur comme vous êtes, vous vous en remettrez, si ce n'est déjà fait. Merci beaucoup! Stéphanie;-)! »

Si je venais pas de m'acheter ce foutu Iphone 5, le gadget serait allé valser contre le plancher. Je rage. Je pense à Martineau et à son dialogue de sourds... Baisé à l'os. Ah pis elle m'a entendu péter!!!! Calisse!!!! Je vais sous la douche... les larmes ne paraîtront pas...

Une semaine s'est écoulée depuis Stéphanie. J'ai toujours le motton. Je sais pas quoi faire. La perfection est en fait une perception générée par nous... Ah pis elle avait peut-être des boules moches pis une haleine de cheval me dis-je, tentant en vain de la biffer à jamais de mes pensées.

Je sors du boulot, y fait froid. On a reculé l'heure. Y fait noir en plus. J'arpente le foutu parking plate derrière l'école des arts visuels de l'université Laval pour me rendre à mon Escape de gars. J'arrive tout juste en face des Salons d'Edgar... J'ai de la misère à y entrer. Je regarde dans la vitrine... C'est elle! Je la fixe. Elle parle avec un gars... moins beau que moi là!!!!! Ils s'écrivent des notes. Elle me voit, nos regards se croisent et je sens la réfraction du verre entre nos deux aquariums... Continue-t-elle sa recherche ou bien une sourde-muette avait-elle peur de me rendre malheureux? Elle regarde le sol. Le gars assis avec ne comprend rien.

Je passe mon chemin avec un vent si froid et cinglant que mes yeux en sont mouillés...

À plus!

Le Chien Perdu