lundi 27 mai 2013

Paper Cut


La page blanche. Rien à dire, rien à écrire depuis bientôt un mois. Rien ne m'amuse et je suis sans muse. Je gobe ma capsule d'oméga 3. Moi qui déteste le poisson car ça a beau être des gellules, calisse, ça se défait rendu dans les tuyaux et je te rote ça... C'est pas mêlant, j'ai une haleine de chat! Le printemps a tôt fait de fourbir en feuilles tous mes arbres ce qui fait que je peux au moins vivre ma déchéance créatrice en toute intimité.

Bon, ça jappe! Je vais voir ce qui se passe en avant. C'est encore Ali, qui s'insurge contre la gente piétonnière. Oh! Celle-là, ma foi... elle est nouvelle. Elle marche, l'air pressée avec sa belle robe à pois et ses escarpins rouge... on dirait Rita Toulouse dans Les Plouffe. Elle tient contre elle un porte-documents. Il est usé et ne semble plus fermer depuis un moment. En sortent des bouts de papiers qui traduisent une frivolité et une insouciance évidente chez cette jeune femme. J'ai le fixe et soudainement, elle se retourne et croise mon regard voyeur dans la fenêtre... merde! BANG! Son inattention lui vaut de se faire percuter par un Yo en skateboard.

Tout vole dans les airs, de la planche à roulettes à ses lunettes (c'est sexy des lunettes), en passant par une tempête de flocons format 8 et demi par 11! Je ne fais ni un ni deux et vole à son secours. « Vous allez bien? » lui dis-je en remarquant un parfait mollet dont le bas nylon s'est effiloché. - « Oui, oui » me dit-elle, totalement contrariée et littéralement obsédée par tous ces papiers éparpillés, son véritable trésor devrais-je dire. Je comprends son non verbal et m'affaire à tout ramasser rapidement à ses côtés.

Des textes annotés et raturés en violet. Quelle drôle de couleur. Je l'entends soupirer de satisfaction... pourtant, je ne l'ai pas dans mes bras?!? « Ah Nunuche! Qu'aurais-je fait sans toi? » J'ai rarement vu quelqu'un parler à sa plume mais comme dirait un assimilé Facebook : Check! « Merci! me dit-elle timidement en prenant ses jambes - ce qu'elles sont belles! - à son cou. Elle a un accent français. Pendant ce temps-là, l'imbécile de Yo filme le tout sur son IPhone, incluant le sang qui s'écoule de son coude... et je l'entends grogner - « Hein man! c'est chill... je sâgne genre full! »

Une autre rencontre où une beauté n'aura fait que passer... je retourne dans mon incertitude et mon insécurité... Ça fait trois messages que mon éditeur me laisse... - « Pis mon Dan? T'es rendu où? Toujours prêt à me livrer ton manuscrit le mois prochain? » Mon royaume pour une muse pis ça presse en crisse. Je rentre chez moi et le reflet du soleil illumine un petit rectangle blanc au sol. C'est une carte d'affaires... Annette La Feuye, correctrice... et d'une beauté... bon! Calmons nous! Je m'installe à mon bureau en contemplant la relique de cette inopinée collision interstellaire. Me v'là qui fantasme... C'est drôle être un artiste qui s'assume car quand tu te connais, tu te contentes de regarder les bateaux passer et de pas embarquer dedans systématiquement. Ah mais ça serait le fun pareil... tsé, genre... Je pars tu à sa recherche? Non...

Bon... ça doit ben faire une heure que je la google pis j'ai pas trouvé grand chose, si ce n'est une photo d'une réception au consulat de France. Pis le crisse de web! T'essaye de zoomer pis la photo est dégueu. Mon cerveau est obligé de faire le reste face à cette éventuelle beauté pixellisée. J'entends de l'accordéon musette et goûte le vin rouge assis à un bistro... la voilà qui arrive à vélo, tsé, le vélo avec le petit panier en avant! J'arrive pour lui parler... incapable! Je suis Marcel Marceau. J'ai beau lui mimer tout mon amour, osti, elle me prend pour un amuseur public et tombe dans les bras d'un pédant à l'écharpe violette et au toupet à la Tintin. Tabarnak, même dans mes fantasmes, je l'ai plus. Faut que je décrisse! Je vais aller écrire en ville!

J'arrive au Pub Galway. Je veux boire de la Newcastle pis y'a des coins sombres là-bas où je serai à l'abri pour créer. J'entre et je vois une table inondée de papiers biffés à l'encre...violacée! ah ben calvaire! Y'a personne d'assis. Je fais quoi? Je m'en vais? Je l'aborde? Je m'asseois où? Pas le temps de réagir qu'elle me croise lunatiquement en me dévisageant à peine. Yves le proprio est là... zut!

- « Bon l'artiste à Moisan! On te voit plus, le gratteux de guitare? T'es venu rejoindre la nouvelle martienne? » en pointant la beauté rare du doigt. Là, on a toute son attention. Elle soupire en regardant ces immatures que sont les hommes que nous sommes. Elle me dévisage et me reconnaît.
- « Drôle de hasard! Et dire que j'aurais pu vous remercier convenablement mais j'étais attendue. Vous venez souvent ici? » En me disant ça, elle enlève sensuellement ses lunettes et me voilà reparti!

Je pense à ça, j'ai jamais fait ça avec une française. Une correctrice en plus. Je peux pas lui dire genre « J'va venir » ou ben « t'es tu venue? ». Mais « j'vais jouir » ou « Tu la sens bien là? » ça fait un peu 37,2 le matin. Fais le mime Dan pis respire fort à place...

« Et... vous faites quoi dans la vie? »
- « Moi, heuuu... bien, je suis t'auteur » Ah calisse, j'ai fait une mauvaise liaison!
« heu, oui, je veux dire tôt ou tard, vous me l'auriez demandé. Donc je suis Daniel L. Moisan, auteur et musicien. Et vous? »
- « Moi je suis correctrice » Quel sourire! Et quel body racing!« Je m'appelle... »
- « Annette La Feuye, je vous ramène votre carte... » lui dis-je avec l'assurance d'un James Bond. Son regard la trahit et elle craque. Elle reprend rapidement et maladroitement sa carte entre mes doigts... AYOYE!!!!!
Osti! Vous savez, la tite peau entre les doigts? C'est coupé pis ça saigne pas à peu près! Je m'éponge du mieux que je peux tout en essayant de rester zen. Elle me regarde et devient livide. BANG! Elle tombe dans les pommes... Là, toute la gang de piliers de bars avinés semblent prêts à lui donner le bouche à bouche mais c'est moi le plus près. Je prends ma veste et en fait un oreiller. Je lui parle tout bas et : 1. à sent bon en crisse et 2. j'ai vraiment envie de l'embrasser. Je lui flatte le front à la place et lui dit que tout va bien jusqu'à l'arrivée des ambulanciers à qui je dis de faire très attention à ses trésors remplis de biffes aux traits délicats... Elle ouvre les yeux et me regarde, une larme glissant sur sa joue. On dirait qu'elle me dit adieu.

Ça fait maintenant 2 mois qu'Annette et moi parlons sur le web. Non, elle vit toujours à Québec. Elle ne peut me voir. Le choc post-traumatique associé à sa peur du sang fait qu'elle s'évanouit dès qu'elle m'aperçoit. C'était pour ça l'encre violacée... elle ne peut tolérer le rouge en version liquide. On s'entend bien par contre mais on se parle moins depuis qu'elle a rencontré un certain... Tristan, jeune français d'adoption, foutu métrosexuel au toupet de Tintin et à l'écharpe mauve... crisse!

« Mime » de rien, toujours rien dans mes pages... Osti le téléphone! C'est mon éditeur!!!!!!


À plus!

Le Chien Perdu

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