Ouch!!! À chacun sa vision de
l'apocalypse. Saint-Jean, Saint-Malachie et Nostradamus ont eu la
leur...là, moi j'ai la mienne. Quel intérêt, autre que
scientifique, aurais-je à contempler la nudité de cette femme qui
serait même trop vieille pour être ma mère? D'un point de vue
humain et artistique cependant, elle me coupe le souffle tant elle
est fière de ce qu'elle est...bien des femmes de 25 ans n'ont pas
cette assurance dans leur plus simple appareil. « Serais tu
capable d'en faire autant jeune homme? » Je ne réponds pas et
je sais que ce n'est pas de la séduction mais plutôt un défi
qu'elle me lance. « Tu sais, à ton âge, j'étais très
« chick » comme vous dites! Toi, t'es plutôt poule
mouillée à ce que je vois » me lance-t-elle en se rhabillant.
Stella 1, Dan 0. Une vieille sage va me faire la leçon cette
semaine...Je serai son Luke, elle sera ma Yoda!
Nous voilà dans la pièce principale
et la bonne est à quatre pattes entrain de jouer avec Ali. Une bonne
à quatre pattes! Moi le con, évidemment que je fantasme. Stella a
un détecteur de cons je crois car elle me prend le bras en me disant
tout bas « l'insignifiance a beau être belle et à quatre
pattes, c'est quand même de l'insignifiance...Allez, jeune Duc en
ruth, allons marcher un peu ». Je constate évidemment le vide
mental chez cette jeune nymphette qui s'amuse à essayer de créer un
contact intellectuel avec mes R2D2 et C3PO, Baklava et Ali. Mais une
chance que l'insignifiance a un beau cul, sinon, elle aurait quoi?;-)
Cul pas cul, Ali était enchanté d'avoir une bonne poire pour être
à l'affût de ses moindres désirs.
C'est drôle se promener dans le
Château et de se faire regarder avec crainte par le staff. On a tous
un tit air « cocky » quand on est VIP. On se pense
important, surtout tsé, quand on a la passe backstage dans le cou au
festival d'été ou ben au show de la Saint-Jean. Un carton plastifié
qui nous distingue du pauvre peuple. Pour moi la traduction de VIP ça
a toujours été « Very Important...Profiteur ». Mais le
troupeau, y'a ben plus de fun sur les plaines. Y regarde le show pis
y trippe solide. Les VIP, on regarde si le monde nous regarde, on a
de l'attitude et on cherche plus important que nous pour faire des
contacts car le VIP n'a qu'une importance circonstancielle et
éphémère. Enlève Stella de l'équation en ce moment pis avec mes
cheveux longs pis ma barbe de 3 jours, on m'intercepte pour
vagabondage. Là, avec elle, on me lèche les bottes. « Daniel »
Ah ça j'haïs ça me faire appeler de même! Quand une fille m'aime
pu, c'est ça qu'à me dit. Avant, c'était Dan, chaton, ti
pet...mais Daniel, ça ne signifie qu'une chose : la fin! « Tu
sais jeune homme que tout ce respect, je l'ai mérité une personne à
la fois? On me traitait de potiche jusqu'au moment où mon mari,
John D. Price tombe en burn out. » En tout cas, il avait le nom
pour ça me dis-je en riant tout bas LOL. Le regard de Stella me fascine car
il ne m'est pas étranger. Ce sont les vrais battants qui ont tous
ces yeux ou bien ceux-là m'ont ils déjà croisé?
« J'aime bien faire les petites
boutiques ici, même si tout est hors de prix. Pauvres
touristes! Viens, on va s'asseoir ici dans la verrière du
resto. » Je regarde la terrasse et le fleuve glacé. Je me
commande une limonade sous le regard abasourdi de mon aînée qui se
commande un Scotch. Je vois bien qu'elle n'y comprend rien. Je lui
souris et m'explique. - « C'était l'été, il y a 5 ans.
J'étais sur la terrasse de ce resto, convoqué par une cliente de
Toronto. On ne s'était jamais vus. Je suis tombé en amour le temps
d'une limonade. Le fleuve était turquoise comme ses yeux. Le temps
s'est arrêté. J'avais pris ce jus d'agrumes au fond grenadine car
je voulais pas passer pour un alcoolo en me callant une bière ou un
fort. J'étais comme un mineur qui découvre de l'or...mais pas sur
son terrain...c'est comme ça que je me sentais. Je la trouvais trop
bien, trop belle, trop hot pour moi. » - « Et elle
l'était probablement! » de me répondre sèchement mère
grand. Je la regarde un peu en crisse mais elle a pas tort.
« L'estime de soi, c'est l'agence de voyage de la vie. Elle a
le pouvoir de t'emmener au bout du monde ou bien nulle part. À toi
seul de décider. Moi, quand j'habitais cette vieille maison en
haut de la côte sur la rive-sud et que j'ai tenu tête à ce Price
qui voulait m'exproprier pour construire des cages à poules en 1972,
jamais je n'aurais cru que cette confiance en moi le séduirait et en
ferait mon mari. Et malgré ses entourloupes et ses jeux de séduction
au fil des années, ma vieille maison est toujours là et lui, non »
dit-elle en éclatant de rire mais en se signant immédiatement de la
croix. « N'attends donc pas de ne plus être là pour avoir ce
que tu veux...surtout quand tu as tout ce qu'il faut pour l'obtenir,
jeune blanc bec! » Stella 2, Dan 0.
Nous voilà de retour dans ses
quartiers. Mais pourquoi c'est pas moi que la bonne embrasse? Mon
chien, y'aime même pas ça! Quel gaspille. Et Baklava qui fait ses
griffes sur le manteau de cachemire du chauffeur qui lui, a la face
dans son journal, attendant les ordres de Stella, tel un pompier dans
sa caserne. Elle me ramène dans sa chambre ou dois-je plutôt dire
le gymnase où elle dort LOL! « Attends moi ici j'ai un détail
à régler et je reviens. » Ce qu'elle a un beau piano!
J'aurais le goût d'en jouer mais je veux pas déranger. Heye! Ça
suffit Dan! Affirme toi! Elle va voir la Stella de quel bois je me
chauffe! Le Dan pas de fierté pis pas de courage, ben y'existe plus!!!
10 minutes plus tard, elle revient. Je
lâche le piano, me lève d'un trait et me retourne fièrement.
« Daniel! Mon Dieu! Heu...je vous présente Matako Washishi,
président de SYNO Music... » Tabarnak, chu tout nu calisse!!!
Je voulais lui remettre la monnaie de sa pièce...Heye, là ça va
pas ben... Tsé l'expression « Timing is everything »? -
« De-De-De-De-Dan Louis, Mosquito-B! » lui dis-je en lui
serrant la main et en me cachant Léo Labine de l'autre. Le Japonais
comprend rien et quitte poliment après avoir pris une copie de mon
album et me fais un signe de tête tout en disant un barratin de son
pays qu'on peut facilement traduire par « Don't call us, we'll
call you ». Dan....ZÉRO!
On ne parle plus. Y'a rien à ajouter.
Je la remercie quand même... Je me rhabille et on convient de se
revoir demain matin à la même heure. La bonne a presque les larmes
aux yeux de devoir quitter Ali...moi, elle me dit « à demain »
aussi sexy qu'une caissière du Jean Coutu crisse.
J'entends les marimbas de 6h. Ça ne me
dérange pas. Je veux poursuivre cette quête car de toute évidence,
après mon « move » de trouduc d'hier, ma formation de
Jedi est loin d'être complétée. J'ai fait un drôle de rêve.
Y'avait mes parents qui allaient me reconduire chez la gardienne et
me donnaient un toutou pour m'engourdir dans l'auto...ils quittaient
pour la Gaspésie avec les autres enfants plus grands, moi je n'avais
que 3 ans. Et je vois les yeux de Stella...ils sont partout et Hop!
Me voilà éveillé.
La limousine arrive...Heye, j'te dis
que les voisins vont mémèrer là! Tsé, une limo, un jour, ça peut
être un concours. Mais là, deux jours en ligne, je ne peux être
autre chose qu'important.;-) Je laisse le zoo à la maison cette
fois...si je veux finir par attirer l'attention de la bonne!
Le chauffeur est livide et n'entend pas
à rire. « Madame Price a eu un accident vasculaire cette nuit.
Elle est hospitalisée et désire vous voir... » J'ai vraiment
chaud et je suis inquiet... J'arrive aux soins intensifs et ne
remarque même pas la bombe sexuelle qui se tient là avec son
stéthoscope dans le cou... Comment puis-je dire que je ne la
remarque pas? Je viens de la décrire calisse! En tout cas, je ne m'y
attarde pas! Je croise un curé avec une étole pourpre dans le
cou...ça ne dit rien de bon. J'arrive au chevet de Stella. Elle est
sur le respirateur qui fait le même bruit que Darth Vader. Elle me
sourit et me dit « Daniel, j'ai été...ta mère! »
Moment dramatique!
Oui! Le rêve...c'était ça! Ma
gardienne s'appelait maman Lorraine et elle habitait en haut de cette
côte à Saint-Romuald, dans cette vieille maison. Elle s'était bien
gardé, cette jeune étudiante universitaire et avide de se
reproduire, de dire à mes parents qu'elle passerait son samedi avec
Serge, jeune barbu étudiant le droit. Elle avait demandé à la
proprio de prendre la relève...c'était Stella. Les jeux, la
musique, le petit piano jouet...tout me revient! Elle a probablement
fait le lien entre nous avec les papiers de la cour... « Mon
petit Daniel, le seul bébé que j'ai eu dans ma vie...je t'aime... »
Je lui souris, lui tiens la main et l'embrasse. « Tu
souhaites quoi dans ta vie Daniel? » je la regarde et j'ai les
yeux pleins d'eau car je n'ai qu'un mot en tête : bonheur. Me
semble qu'il est loin des fois le bonheur... Je ne parle pas...chu pu
capable de parler. Elle me regarde et me dit « Heureux, tu
seras, tu l'es même déjà... » en poussant son dernier
souffle.
J'ai jamais vu personne mourir. Ça
fesse en crisse. Elle n'est plus là mais elle sourit. Elle a quitté
totalement heureuse. Moi je sais pas où j'en suis mais je sais que
j'ai bougé. Je dis au chauffeur de laisser faire, que je vais
rentrer à pied. La neige est douce et la vague de froid est
partie...la tempête est finie et je respire cet air si précieux,
cet air que l'on croit acquis pour toujours. Je souris, les larmes
aux yeux.
Elle m'a légué un truc, une chose pis
malheureusement crisse, c'est pas la bonne ni la limousine. Seulement
une petite étoile de mer avec un mot : « Daniel, il est
long le chemin entre le fond de l'océan et le firmament. L'étoile,
c'est toi et le ciel t'attends. Brille de tous tes feux, il n'en
tient qu'à toi. Je t'aime, Stella. »
À plus
Le Chien Perdu
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