jeudi 2 février 2012

Grumpy Old Men


Je monte la côte toute verdoyante qui mène en haut de ce roc, surplombant la mer à perte de vue. C'est le soleil qui se couche et le ciel a mis son beau manteau rose-orangé pour l'accueillir. Je rêve, je le sais. Je connais cet endroit car c'est là que j'ai vu mon ami Dan pour la toute dernière fois. Quand des proches meurent, c'est bizarre, je rêve à eux une seule fois et après c'est fini. Plus de nouvelles. C'est quand même fin de leur part de payer une ultime visite à mon subconscient avant de partir pour de bon;-)

Elle se tient en haut de la montagne, d'une blanche robe vêtue...Stella a toujours le même air. « Je savais bien que tu finirais par te taper ma bonne, petit pervers » me lance-t-elle, tournant son regard dans ma direction. « Vous auriez pu au moins faire attention! Cette table de cuisine valait très cher...une antiquité de 200 ans... » Bon, ça a joué dur un peu, j'en conviens...mais maudit, ni Gisèle ni moi n'étions capables d'aller dans une des chambres à coucher dont les commodes et les murs étaient décorés de vieilles photos de Stella et de John D. Price. La table qui semblait pourtant solide, nous a remis sa démission au moment ultime...de toute beauté ou comment passer de « L'Amant de Lady Chaterley » à « Benny Hill » en un instant. Dans la panique, j'ai maladroitement réparé le tout avec une perceuse pis des vieilles vis à gyproc qui traînaient dans un tout aussi vieil atelier situé dans une cave au sol terreux. Morte de peur dans ce sombre endroit, Gisèle m'a sauté au cou pis...ben on a remis ça! Disons que l'établi est plus solide un peu...

- « Merci pour tout Stella, ça m'a vraiment beaucoup apporté de te connaître et je m'excuse encore pour la table... » lui dis-je, la gorge nouée par ces adieux auxquels on ne s'habitue pas, même dans les rêves. - « Comment ça, adieu? Je m'en vais pas! Je peux pas te laisser seul, pas tout de suite...t'es encore trop con! Si je pars, tu vas finir vieux garçon! Je n'aurai de repos tant que tu n'auras pas trouvé la perle rare ». Je regarde au sol... « Je le sais que tu penses à Sophie, jeune blanc bec. Dis toi ben que t'as des croûtes à manger avant de la reconquérir. Bon, je file...je me suis fait un amant dans les limbes LOL! À Bientôt!» me dit-elle en s'envolant au loin.

Mon visage est collé sur mon épaule qui, elle, est encore imprégnée du parfum de Gisèle qui n'a pas dormi ici. « Trop dur de revoir Ali avant mon départ» m'a-t-elle expliqué. Je peux finalement me compter chanceux qu'elle ait au moins mis la switch « animal » à off une petite heure... malgré que peut-être pas...je suis un chien perdu après tout;-) Elle m'a fait cadeau d'un souvenir : le chandail de son ex qui jouait pour les Foreurs de Val D'Or...what the fuck? Je lui ai promis en retour de lui envoyer chaque photo que j'ai du chien par courriel. On se sent quand même bien le lendemain d'une partie de jambes en l'air. La confiance est revenue pis tsé... on préfère se dire qu'on l'a fait en 2012 en janvier plutôt qu'en décembre, n'est-ce pas? LOL!

Le téléphone sonne. « Daniel, c'est mon'oncle! Écoute, chu un peu mal à l'aise de te demander ça mais viendrais tu m'aider à faire l'épicerie? J'ai glissé hier au cimetière pis je vais avoir du trouble à transporter mes sacs ». - « Ben correct mon'oncle, je vais être là dans une heure ». Hop! J'avale une toast, prends une douche et me voilà assis dans ma voiture. Je n'ai même pas eu le temps de regarder le journal...qui titrait : Étrange miracle à Saint-Romuald...

Je suis efficace en crisse, me v'la avec 30 minutes d'avance chez mon'oncle. Je me sens vraiment bien car le mâle en moi est repu! Je suis en mode performance! Comme quoi des fois, c'est à croire que le moral nous pend au bout de la...;-) « Pressons nous pas Dan, on a tout le temps » me dit-il. - « mais pas moi donc si ça te dérange pas, on part OK? » Il semble un peu contrarié mais il accepte. Nous voilà rendus au IGA, une de ces belles nouvelles méga épiceries où l'on peut pratiquement magasiner sa télé au plasma pis ses meubles de patio... J'ai toujours dit que l'économie s'était mise à mal aller la journée où Jean Coutu s'est mis à vendre du Ketchup... pis pour les punir, le bon Dieu a inventé les pharmacies dans les Wal-Mart LOL!

On choisit un panier pis y'a l'air pas mal nerveux. Ça doit être la débarque qu'il a pogné...j'avoue que de se retrouver à l'horizontale dans un cimetière, ça doit traumatiser un peu, surtout à 85 ans. « Pis toi mon'oncle, toujours célibataire? » - « Ouin... C'est dur mon Dan. Elles veulent que je les sorte au restaurant pis au cinéma mais pas question de me laisser aller en dessous leur jupon viarge! Dis toi une chose le jeune, le grand problème dans le monde, c'est que nous les hommes, on se tannera jamais du cul pis les femmes, elles, elles se tanneront jamais de l'argent. Y'a pas d'issue le kid » me dit-il en mettant sa dixième boîte de Kraft Dinner dans son panier. « Calisse, y'a pus de All-Bran! La semaine va être toffe! » - « Ça veut dire qu'à ton âge mon'oncle, ça lève encore? » - « Tu dis toi! C'est pas mêlant, quand chu debout, je peux quasiment m'accoter dessus pour me reposer le dos (rires)... Mais toi, kossé tu crisse tout seul? T'es encore pas pire pis maudit chanceux, t'as des cheveux esti! » je souris... « Faut dire que votre jeune génération, ça a l'air pas mal plus mélangé que nous autres. Les couples étaient plus stables dans mon temps mais fais toi en pas, c'est pas parce qu'on s'aimait plus que vous autres. On avait juste peur d'aller en enfer, de plus voir nos enfants ou ben de payer une esti de pension. Faque on endurait pis quand on en avait assez, ben on se pognait la secrétaire pis rien changeait à maison. Astheure, toi le jeune, avec les femmes qui travaillent, t'as autant de chances de te retrouver cocu qu'elles. Pis toi, y te crisseront pas là à cause de leur libido mais bien parce que tu fera plus leur affaire...elles ne t'admireront plus... J'aimerais pas ça être à ta place... » me dit-il en mettant une boîte de biscuits Village dans le chariot... Voyons! Ça existe encore ça des biscuits Village???

Je vois bien que mon'oncle, y file pas tout seul. Je le regarde et je me vois, vieux grincheux comme lui dans quelques années, la barbe mal faite parce qu'on voit plus clair, le chou-fleur qui pousse dans les oreilles pis dans le nez...pis quand y sent pas la transpiration du gars qui s'est pas lavé depuis une semaine, c'est l'Antiphlogistine mélangé avec son Aqua Velva qui deviennent sa signature olfactive. Ça me rappelle, quand je me suis ramassé tout seul l'été passé, l'oncle d'un de mes amis m'a dit pour m'encourager : « Maudit chanceux, te voilà libre! Ta véritable existence commence! Dis toi que ce sont juste les cinq premières années les pires, après, ça va super bien... » C'est exactement là que je me suis mis à angoisser. Est-ce que le Bowling, les promenades, jouer aux cartes, une revue de cul esti pis Canal D peuvent vraiment remplacer une femme? Je regarde autour pis des vieux grincheux, y'en a plein. Veufs, abandonnés ou ben laittes à mort. Ils ont tous une histoire et des blessures mais un gars, ça se plaint pas. Ça va manger son TV Dinner devant la télé, dans une maison en désordre où le téléphone servira uniquement pour se caller de la pizza, du St-Hubert ou ben pour appeler l'ambulance si ça file pas.

Mais j'y dit pas tout à mon'oncle. Si y savait que la plupart du temps, en couple, c'est moi qui fait à manger. Si y savait que j'ai les larmes aux yeux quand je laisse mes petits pour le weekend. Si y savait qu'y'a pas juste dans face que je me rase crisse... Je sais qu'il aime pas Ricardo ou ben Joselito Michaud. Pour lui, un gars qui va sur le terrain des émotions et de la sensibilité, y peut juste être aux hommes ou ben capituler devant les femmes... « Heye Dan, j'ai entendu dire qu'y'a des gars se rasent ailleurs que dans face...des Métrosexuels qu'y disent... » - « ah ouin? Je, je … ben je sais pas là... » Ouf! me voilà sauvé par les cornichons en spécial...là-dessus mon oncle pis moi, on a pas de conflit générationnel. Moi, c'est pas mêlant, quand j'arrive dans l'allée des pickles, c'est incontrôlable, je salive esti! Mon'oncle en prend 3 pots... Ça me fait penser, au Fou Bar sur St-Jean, y servent un shooter de vodka avec un cornichon...ou ben à l'Archibald dans le temps, y servaient des cornichons panés et frits...une recette de Boston semble-t-il.

On arrive à la file pour la caisse. Je vois mon'oncle sortir ses coupons soigneusement découpés le dimanche précédent...pour un vieux garçon, le publi-sac, c'est un événement dans la semaine... Je vois le camion des nouvelles dans le stationnement...c'est Jeff le caméraman. Si y'est encore là à ma sortie de l'épicerie, j'va aller y donner une bine...ça fait longtemps qu'on est pas sortis...

Je sais pas ce qui se passe, mais je me sens épié. Une main saisit mon bras. Je me retourne et j'ai droit au regard transperçant d'une vieille dame qui hurle soudainement « Alleluïaaaaaaaaaaaaaaa! » Là, tout le monde me regarde sauf mon oncle qui lui, regarde à terre. Y'a tu honte ou ben y'a de quoi à se reprocher crisse? La caméra rentre dans l'épicerie pis à s'en vient vers moi... c'est quoi l'affaire crisse??????

À suivre...

Le Chien Perdu





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