Me voilà, déambulant dans la City,
cette magnifique Londres dont je ne me tannerai jamais je crois. À
chaque fois, c'est le pélerinage. Picadilly Circus, Big Ben, Oxford
Street, Tower Bridge sont à l'itinéraire. Ah oui, j'aperçois une
immense affiche annonçant le Winter Fest, à côté de laquelle
passent deux joggers en shorts et en t-shirts. L'hiver n'est pas
crédible ici...
Une fine pluie tombe sur moi et j'ai
pas de parapluie. Qu'à cela ne tienne, bien des gens n'en ont pas
ici. La pluie fait partie de leur lot quotidien. Mon cœur est encore
orphelin. Malgré la dizaine de condoms que j'ai apportés pour
m'encourager, je ferai comme d'habitude, c'est-à-dire, rien!
Il fait noir très tôt ici l'hiver. 4
heures moins quart et la ville s'illumine. Je vais m'engloutir au
Porter House, un pub bondé de gens dans le quartier Charing Cross. 3
étages de buveurs en cravate et de pitounes sur leur 36. La bière y
est bonne. Je suis seul, attablé au fond du bar et je file pas. Les
bières s'accumulent et je me dis « Fuck l'amour esti! Chu
ben en crisse tout seul »...
Soudain, j'aperçois devant moi une
écolière d'au plus 7 ans. Elle a son sac à dos et tient une bière
dans sa main... « Je peux m'asseoir? » me dit-elle dans
un québécois impeccable. - « Tes parents sont avec toi? T'as
pas le droit d'être ici tu sais et encore moins de boire de
l'alcool » - « Je ne suis pas vraiment ici le smatte. Je suis
le fantôme de tes amours passées pis le grand boss trouvait qu'en
me donnant cette allure, ça ferait plus concept tsé. En fait, j'ai
environ 937 ans » Là, je fais le décompte de ce que j'ai bu
pis j'me dis qu'y'a un problème. Kossé qu'y mettent dans leur bière
cristie??? Je lève les yeux et elle est toujours là mais tabarnak!
On est dehors dans une ruelle sombre. « Suis moi pis pose pas
de questions! »
Elle ouvre une porte et... c'est ben
éclairé ici? Il fait soleil... en fait, le soleil se couche et le
ciel est rose-orangé. Je suis à Québec et je m'aperçois tout
jeune. J'ai 7 ans et je parle avec la nouvelle arrivée dans le
quartier, Claudia, une orpheline qui a été adoptée... Elle est
magnifique sur son vélo Mustang avec un banc banane. J'ai que 7 ans
mais je suis en amour pour vrai! Elle repart chez elle et me voilà
entrain de chanter tout en me balançant après le poteau entre les
deux terrains chez mes parents. Il se met soudainement à neiger et
j'ai 9 ans. On est en février et me voilà au pas de la porte chez
Hélène, ma voisine d'en arrière. Je dépose une carte de
St-Valentin, je sonne et je file en courant. J'entre en vitesse à la
maison et j'attends patiemment le téléphone de ma douce, toute
heureuse de son présent... Je l'ai aimée jusqu'à tard dans la vie
Hélène. « Vois tu comme c'est beau? » me dit
Fantômette. - « Voyons! J'étais qu'un enfant. C'est naïf un
enfant » - « Suis moi, idiot... »
J'ai 11 ans et je me retrouve au terrain de
balle de St-Mathieu, le fameux « Backstop » comme on
l'appelait. Je suis à l'écart avec Kim. Si John Lennon avait pas
enregistré la toune « Woman », j'en serais pas là. Kim
et moi, on a dansé ce slow ensemble 100 fois dans toutes les discos
organisés dans les sous-sol de la paroisse. On fermait les lumières
au grand dam de nos parents pis on dansait collés. - « Je
t'aime Kim! » Ouf! C'est la première fois que j'ose dire ça à
une fille pis je le pense tellement. - « Moi aussi Daniel...
mais juste en amis » BANG!!!!!!! Comme dirait Rod Stewart,
« The first cut is the deepest », me voilà, la mine
déconfite, rejeté pour la première fois. Après, ça n'a plus
jamais été pareil.
Mon premier french chez Nathalie, après
la messe de 9h 30. Lennon avait cédé le pas à Air Supply. Elle
avait des broches. Je trippais pas mais elle était plus vieille que
moi donc elle était willing à frencher.
Ou bien à partir de secondaire deux,
la belle Catherine qui était dans le bus scolaire. J'avais pourtant
bien préparé ma déclaration d'amour toute l'année durant. Lui
ai-je même dit « salut » la dernière journée des
classes? Ben non. Je l'ai regardée s'engouffrer dans l'été à
chaque fois et ce jusqu'à la fin de mon secondaire. Elle n'a jamais
su rien de rien... Un soir, à une disco organisée par l'école,
elle me parle et, fouille moé, elle me french! Chu tellement énervé
que le mal de cœur me pogne. Je vais prendre l'air 10 minutes et à
mon retour, elle est dans les bras d'un autre... calisse!
Ma voix change tout d'un coup! Je suis dans un sous-sol de Cap-Rouge et j'ai 16 ans. On se tient avec des
sœurs jumelles. Évidemment, je sors avec les deux... mais une après
l'autre là! Elles ont 18 ans et elles m'intimident. Finalement, fin
mars, celle avec qui ça a marché me dompe au téléphone. Je me
vois pleurer comme une chochotte dans ma chambre. Je revis le rejet
de Kim et à chaque fois, je ressens cette frustration face à
l'impossible, cette absence de Mojo qui m'a été volé à mes
débuts.
Mais qu'à cela ne tienne, je continue.
À moins d'être saoul, jamais je ne ferai de premiers pas envers qui
que ce soit et si j'avais pas ce petit crisse de baby face et ce
pseudo air cool, c'est le monastère qui m'attendrait. Je laisse
filer des bateaux par gêne et par peur... Catherine, Annick,
Marie-Chantal, Nadine. Je préfère soit des pitounes insignifiantes
et capricieuses ou ben des « girl next door » déjà
acquises que je n'aurai pas à courtiser.
Ce voyage dans le passé m'écoeure.
« Tu cherches à me prouver quoi calisse? Qu'en amour, chu un
raté? C'est ça? »
- « Les remords et les regrets ne
sont que la semence pour un meilleur arbre » me dit-elle en
s'effaçant tout en me faisant un tata de duchesse.
Je suis sur le bord de la Tamise et Londres brille de tous ses feux. J'aperçois le dôme de la Cathédrale St-Paul. On dirait le Capitole à Washington. Comme quoi lieux de culte et de pouvoir sont souvent bonnet blanc, blanc bonnet. Une voix me tire de ma réflexion politico-inutile. - « Vous avez un peu de monnaie? » Une mendiante d'au moins 300 livres se tient, titubante devant moi. Maudite monnaie Anglaise! Croyant lui avoir donné du petit change, la voilà toute souriante, me remerciant de lui avoir offert 8 livres sterling! Pas grave, elle en a plus besoin que moi. « Mais que ferais tu s'il s'agissait de tout l'argent qu'il te reste? » Coudonc, à lit tu dans mes pensées elle? Heye! Ché pas son truc là mais ses yeux sont verts fluo! « Je suis le fantôme de tes amours présentes! Je suis les grains du sabliers qui filent comme le vent, celui qu'on ne ressent qu'un instant mais qui, selon ce que tu en feras, propulsera ou coûlera ton voilier »
Me voilà dans un écran d'ordi. Je me
promène à travers les les lettres qui forment des mots qui eux
forment des phrases. Des belles photos de filles à côté des
mots... - « Tu fais de la musique? Tu dois te pogner toutes les
filles que tu veux. Désolée, moi je cherche un gars stable »
Calisse! On me l'a fait 100 fois celle-là! Mais c'est pas mieux
l'autre, qui après 2 semaines de fréquentations m'avait trouvé une
job à 80 000$ en me disant qu'il serait temps que je vieillisse...
En plus de toutes celles qui n'aiment pas les cheveux longs... Voilà
la photo de Stéphanie. Elle, je l'ai connue dans un 5 à 7. J'ai eu
le coup de foudre instantanné. Malgré que je l'ai revue, j'ai
jamais osé faire quoi que ce soit. J'ai toujours soupçonné qu'elle
cherchait un gars à cash... le temps a passé et c'est ce qu'elle a
trouvé. Je l'aurais bien embrassée au moins une fois par contre...
Je vois la fiche de Sophie (épisode Réseau Cons Tartes). Je clique
sur sa photo et me voilà chez elle. Elle cuisine ses petits biscuits
de Noël et a tout pavoisé son 3 et demi mais avec goût. Sur son
ordinateur, c'est mon profil Facebook à l'écran. Ben voyons, elle
m'avait pas bloqué elle? Ah OK, elle s'est prise une autre
identité... tsé la fille aux gros seins de Lévis que j'ai acceptée
y'a 6 mois... c'est Sophie! Elle arpente machinalement toutes mes
photos mais se garde bien de cliquer « J'aime » sur quoi
que ce soit.
Elle vient de raccrocher le téléphone.
Après avoir refusé 30 invitations à souper de Pierre, son collègue
au bureau, la voilà qui vient d'accepter un premier rendez-vous avec
ce dernier. Elle regarde ma fiche Facebook et clique « Retirer
de la liste d'amis ». Elle ferme son portable et tout devient
noir.
- « Là, chu foutu mur à mur! »
dis-je à la grosse fluo. - « Il n'y a que dans le passé qu'on
est foutu et il n'y a que le présent qui peut forger le passé »
me dit-elle en quittant les lieux.
Je me retrouve dans le quartier Soho et j'entends un beat de musique dance. C'est un pub appelé « Bar to the future » et j'y aperçois le joli minois d'une blondinette aux yeux bleus de Québec que je trouve formidable mais qui fait partie de ma liste des « tu le sauras jamais ». Elle me fait signe d'entrer. J'arrive à l'intérieur et je suis effectivement à Québec! Chu au Beaugarte Calisse! On me pogne le cul... je me retourne. Crisse! Un gars de Village People! « Allo mon coco! Je suis le fantôme de tes amours futures hi hi hi! » - « Ah ben toé mon tabarnak! » Au moment ou je m'enligne pour y crisser mon poing s'à gueule, je m'aperçois... j'ai les cheveux blancs! Kossé ça Crisse? Je bois de la crème de menthe???? Un crisse de dindon qui spotte les pitounes qui dansent. On est le 23 décembre et mes enfants sont à l'extérieur du pays pour leurs études. De toute évidence, j'ai personne dans ma vie. J'ai l'air d'un gros con amnésique qui attend toujours un train qui est passé depuis 20 ans. Une madame pas laitte me dévisage, je souris mais sans plus... d'un coup que j'hypothéquerais mon avenir... comme s'il m'en restait un:-( Elle est avec des gens d'un party de bureau qui sortent en rigolant... mais c'est... C'est Sophie! Son regard s'immobilise et elle me reconnaît. Elle me sourit pathétiquement comme on sourirait à Don Quichotte. À son bras, le fameux Pierre qui a préféré s'occuper de la Sophie en vrai plutôt que de s'acoquinner avec la virtuelle Greta aux grosses boules de Lévis.
- « AAAhhhhhh! C'est Bad Romance
de Lady Gaga » de dire le gai fantôme. « Viens danser! »
Je refuse catégoriquement. Soudain, une horde de femmes en
jaretelles déguisées en faucheuses me poussent sur la piste qui
devient un avion dans lequel nous sommes tous assis et qui est secoué
par d'intolérables turbulences. - « This is your Captain...
You failed so we crash! » AAAAAhhhhhhhhhhh!
- « Ça va Dan? » Mes musiciens sont un peu inquiets. Affecté par le jetlag, je m'étais endormi quand ils sont allé chercher la bière. Ouf! J'ai tous mes morceaux. On entrechoque nos verres en se souhaitant la santé mais je ris jaune. Quel étrange rêve.
Une superbe anglaise se tient au bar. Elle me jette un regard mais se retourne aussitôt. Je la désire mais je reste ass... NON! Je me lève et me dirige dans sa direction... Elle sourit.
JOYEUX NOËL!
Le Chien Perdu
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